La Santé est malade Le personnel médical et paramédical est tributaire des valeurs actuelles de la société, et il est donc intéressé par les offres du privé, davantage que par les contraintes du secteur public. Le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière Abdelmalek Boudiaf, a affirmé, hier, lors de la présentation du bilan des activités 2014 et du plan d'action de l'année en cours que 2015 va apporter une relance du système national de santé. Ce voeu pieux est quelque peu téméraire, même s'il n'est pas interdit de placer la barre au-delà de ses potentialités réelles. On peut toujours rêver, en effet, mais comment peut-on ignorer, avec une telle désinvolture, l'état effectif de ce secteur, depuis de nombreuses années? Est-ce par hasard que tous les hauts cadres de l'Etat bénéficient, pour leur hospitalisation, souvent liée à des causes bénignes, d'une prise en charge en bonne et due forme dans les hôpitaux européens, principalement en France et en Suisse? Ce n'est pas un reproche mais juste un constat car c'est un fait qu'en matière d'hospitalisation les conditions qui prévalent dans nos hôpitaux n'ont rien à voir avec les normes internationales. Le système de santé du pays est malade, de par les insuffisances multiples qui l'affectent: niveau tout juste moyen des soignants et des aides-soignants, pénurie rémanente des médicaments, absence de couverture des maladies chroniques pour lesquelles les patients subissent une double peine, celle de la maladie, d'une part, et celle de la quête désespérée des traitements prescrits, d'autre part. Un exemple, les fabriques d'insuline, qui depuis plus de dix ans devaient être implantées afin d'assurer une couverture adéquate des besoins, sont toujours à l'état de...projets, avec cet argument nouvellement brandi d' «une nécessaire adaptation aux techniques modernes de fabrication du produit». Soit, combien faudra-t-il attendre encore, quatre, huit, douze ans? Entre-temps, les malades pourront prier et espérer que le destin ne leur soit pas fatal mais une consolation est à leur portée, celle de savoir que le sort des patients victimes d'AVC, de maladies cardio-vasculaires, de cancers n'est guère plus enviable. Le ministre annonce «la mise en oeuvre du plan national de prise en charge des maladies cardio-vasculaires et d'un autre plan pour la prise en charge des malades en réanimation, sans compter le renforcement et le développement de la production des sérums et des vaccins par l'Institut Pasteur. On ne peut que saluer cet engagement. Mais, en même temps, il faut savoir que des CHU de longue lignée, hérités de la période coloniale, attendent patiemment leur centre anticancer, en phase de réalisation depuis bientôt dix ans! C'est également le cas d'autres villes, d'autres centres selon les spécialités. Autres constats, des hôpitaux tous neufs, présentés comme des fleurons de la politique de relance du système de santé du pays, offrent un spectacle navrant, du fait des malfaçons qui ont concouru à leur construction tambour battant. C'est le cas de l'hôpital d'El Hadjar, dans la wilaya de Annaba, qui, lors de pluies abondantes, voit ses chambres et ses couloirs parés de seaux, de bidons, de serpillières et de nappes d'eau chatoyantes. Et pourtant, les mois qui ont suivi son inauguration, les citoyens étaient impressionnés à juste titre par le sérieux, l'abnégation et la prise en charge de tout son personnel. Cherchez l'erreur... Sans vouloir jouer les Cassandres, force est de dire qu'il y a beaucoup de pain sur la planche pour le ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière et que s'il pense sincèrement révolutionner les mentalités et hisser les infrastructures aux normes requises en...une année, c'est qu'il n'a pas idée du travail à entreprendre, ou plutôt des travaux, aussi ardus que ceux d'Hercule. Le personnel médical et paramédical est tributaire des valeurs actuelles de la société, et il est donc intéressé par les offres du privé, davantage que par les contraintes du secteur public. Histoire de dire que l'ampleur de la tâche ne se situe pas uniquement dans la relance des moyens matériels mais aussi et surtout dans la réhabilitation des valeurs morales qui sont le ciment de cette entreprise qu'est la santé. Certains pays, tous près de nous, ont prévu la «remise à niveau de leurs établissements hospitaliers», qualitativement bien supérieurs aux nôtres, tandis que nous balançons encore et toujours entre réforme et relance, le plaisir du yo-yo.