Photo : M. Hacène Par Amel Bouakba La mauvaise prise en charge des malades au niveau des hôpitaux publics a toujours été décriée par le citoyen. Les différents ministres qui se sont succédé à la tête du ministère de la Santé ont, à chaque fois, évoqué la priorité d'améliorer les conditions d'accueil, de prestations, d'hospitalisation et d'accès aux soins des malades, mais sans y parvenir réellement. Dans notre pays, être admis dans un hôpital public est toujours vécu comme une hantise, une épreuve, par le citoyen qui redoute les conditions d'hospitalisation que tout le monde sait désastreuses. A l'angoisse d'être confronté à une prise en charge médicale défaillante, s'ajoute celle du manque d'hygiène flagrant, le plus souvent courant dans la majorité des structures hospitalière du pays. Le citoyen est horrifié à l'idée de fouler le sol d'un hôpital. L'instruction de l'ancien ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière, Amar Tou promulguée en 2006, relative à l'interdiction aux malades d'introduire la nourriture et la literie, au sein des hôpitaux ne semble jamais avoir été appliquée sérieusement dans tous les hôpitaux. On se rappelle que Amar Tou avait alors interdit aux malades d'apporter les couvertures et les repas pendant leur hospitalisation justifiant cette mesure par le fait que «ces objets d'usage courant favorisent la transmission des bactéries vers les hôpitaux». Mais quatre années après l'entrée en vigueur de cette mesure, les hôpitaux publics ont du mal à prendre en charge correctement le malade sur le plan de la literie et de l'alimentation. Dans la majorité des cas, le malade est obligé de tout ramener avec lui pour la période de son séjour à l'hôpital, car la qualité de la nourriture et de la literie fournies par les infrastructures hospitalières laisse à désirer, plus particulièrement en été. Il faut dire que les discours martelés par les responsables de la Santé n'ont quasiment rien changé à cette réalité. Nos hôpitaux continuent d'offrir un tableau bien sombre. La qualité de la prise en charge et l'hygiène déficiente sont récurrentes. Le constat est frappant. Il suffit de faire une virée dans des hôpitaux publics pour s'en rendre compte. Au CHU de Béni Messous, plus précisément au service de maternité, l'anarchie est totale. Dimanche 25 juillet 2010. Le service bondé de monde est complètement saturé comme tous les services de maternité qui n'arrivent plus à accueillir les patientes. Les proches introduisent le plus normalement du monde la literie et la nourriture à leur malade.«C'est la troisième fois que j'accouche dans cet hôpital», nous avoue une jeune maman. Elle reconnaît qu'«il y a eu une certaine amélioration sur le plan de l'accueil et de la prise en charge médicale, mais en revanche, l'hygiène manque atrocement», dit-elle. «J'ai une phobie monstre des cafards. J'ai du mal à dormir le soir de peur que ces bestioles ne m'approchent», dit-elle sur un ton de dégoût. «Il y en a partout. Sans parler des moustiques et de la chaleur suffocante qui empêche de dormir et de se reposer», ajoute t-elle. Une autre jeune maman qui vient à peine d'accoucher d'un petit garçon, évoque le problème de la surcharge. «Parfois, la chambre dans laquelle trois lits sont disposés est pleine à craquer. Il arrive que trois femmes partagent le même lit», précise notre interlocutrice. «Parfois, d'autres femmes mettent des couvertures par terre et dorment à même le sol», confesse-t-elle avant de reconnaître : «Allah ghaleb, souvent le cas de la patiente est tellement urgent qu'ils (hôpitaux ndlr) ne peuvent pas la refouler». Nos interlocutrices relèvent aussi la qualité de la nourriture servie. Plat du jour : des spaghettis. Les proches de malades trouvent inimaginables de ne pas autoriser l'introduction de la literie et de l'alimentation dans les hôpitaux car ce qui est disponible est particulièrement déficient. «Les pouvoirs publics annoncent des budgets colossaux pour améliorer la prise en charge des malades mais la réalité est toute autre», explique un proche de malade.A l'hôpital Mustapha Bacha, les choses ne sont guère meilleures. Là aussi, la mesure portant interdiction d'introduire literie et nourriture n'est pas respectée, du moment que ce qui est assuré par cet hôpital est insuffisant et de qualité médiocre. Les malades hospitalisés n'ont d'autres choix que de se doter des objets indispensables pour adoucir un tant soit peu leur séjour à l'hôpital. Autre halte, cette fois-ci à l'hôpital de Bab El Oued. Même rengaine. Même décor lugubre. Le mobilier est vétuste et le manque d'hygiène criant. Il n'y a quasiment pas un malade qui n'introduise pas le nécessaire (literie et nourriture) en entrant dans cette structure. «Je suis obligée de ramener tous les jours de la nourriture à mon frère hospitalisé au service de médecine interne», explique une proche de malade qui fait tous les jours la navette pour approvisionner son frère alité. «Je lui ai également ramené des draps», indique-t-elle encore avant de lâcher : «Il n'est pas question que je le laisse livré à lui-même». Les engagements de Ould Abbès : humaniser les hôpitaux La prise en charge n'est pas ce qu'il y a de mieux. Sans oublier les éternelles pannes des équipements médicaux (scanner, imagerie médicale...). Les rendez-vous sont de plus en plus éloignés et bien souvent, les malades sont contraints de se diriger vers le privé pour un scanner ou une IRM. Pis, la chimiothérapie et la radiothérapie qui ne sont disponibles que dans les hôpitaux publics, deviennent une sorte de luxe inaccessible parce que souvent les appareils sont en panne ou à l'arrêt. D'autant plus que seul le Centre anticancéreux Pierre et Marie Curie (CPMC) d'Alger dispose de ce type d'appareils. D'ailleurs, ce Centre, littéralement envahi de malades des quatre coins du pays, est complètement saturé. Même le CHU Mustapha Bacha, l'un des plus grands et réputés hôpitaux du pays ne déroge pas à la règle. Les conditions de prise en charge du malade sont pratiquement aussi médiocres qu'ailleurs si ce n'est plus. Un malade hospitalisé au service de néphrologie a enduré durant son hospitalisation le manque flagrant d'hygiène et la qualité de la nourriture. «Heureusement que mes parents me ramenaient tout ce qu'il faut sinon je n'aurais jamais pu supporter mon séjour», dit-il. Quant au personnel soignant, il est totalement dépassé. Une situation exacerbée par les départs massifs en congé. De son côté, le personnel médical et paramédical évoque des conditions de travail lamentables.Il faut dire que le ministre de la Santé et de la Réforme hospitalière, Djamel Ould Abbès, s'est engagé à faire de l'humanisation des hôpitaux en matière de prise en charge du malade, depuis son admission jusqu'à sa sortie de l'hôpital, son cheval de bataille. Depuis son installation à la tête du département de la Santé, Ould Abbès s'est engagé lors de visites «surprises» effectuées au niveau des services d'urgences médicaux de plusieurs hôpitaux à «améliorer les conditions de travail des médecins et à mettre en place tous les moyens pour de meilleur prestations en faveur des malades».