Un forcing pour arracher une solution diplomatique Les Etats-Unis ont soufflé le chaud et le froid pour tenter d'intimider le Kremlin en agitant la menace d'une livraison d'armes à l'armée ukrainienne. Angela Merkel et François Hollande ont exposé, hier, à Vladimir Poutine leur plan de paix pour l'Est séparatiste pro-russe de l'Ukraine après avoir entendu Kiev «espérer» une trêve dans ce conflit qui se situe aux portes de l'Europe, faisant plus de 5300 morts en dix mois. Les discussions qui ont réuni, dans la capitale ukrainienne, le président ukrainien, la chancelière allemande et le président français ́ ́laissent espérer un cessez-le-feu ́ ́, selon un communiqué tandis que la déclaration commune qui devait sanctionner les discussions entre les trois dirigeants a été purement et simplement annulée! Le président Petro Porochenko a réaffirmé, à cette occasion, sa revendication principale, à savoir le respect, par toutes les parties, des accords de paix signés à Minsk en septembre dernier. Tandis que se déroulait l'initiative franco-allemande, entreprise dans l'urgence, compte tenu des revers de plus en plus alarmants de l'armée ukrainienne face aux troupes pro-russes dans les zones de Donetsk et Lougansk, initiative jugée comme celle de la «dernière chance» avant un embrasement à haut risque de la situation dans la région, les Etats-Unis ont soufflé le chaud et le froid pour tenter d'intimider le Kremlin en agitant la menace d'une livraison d'armes à l'armée ukrainienne, via une implication graduelle de l'Otan. Une nouvelle proposition L'initiative franco-allemande, qui a tout d'un plan de paix de la dernière chance, a été annoncée dans la matinée de vendredi, depuis Paris. «Nous ferons une nouvelle proposition de règlement sur le conflit lui-même, qui sera fondée sur l'intégrité territoriale de l'Ukraine», a déclaré M.Hollande sans détailler le contenu de la proposition. Sans adhérer formellement à l'option des Etats-Unis et promettre des livraisons d'armes à l'Ukraine, le président Hollande a averti que ́ ́l'option de la diplomatie ne peut être prolongée indéfiniment ́ ́,façon comme une autre de mettre la pression sur son homologue russe. Selon des informations publiées dans la soirée par le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, mais démenties par le gouvernement, ce plan prévoirait de ́ ́conclure un cessez-le-feu immédiat ́ ́ contre une ́ ́autonomie plus grande accordée aux séparatistes, sur un territoire plus vaste que celui envisagé jusqu'ici ́ ́. «A Porochenko, on veut clairement faire comprendre qu'il s'agit de la dernière chance offerte à l'Ukraine d'éviter une défaite militaire et un écroulement économique» tandis que M. Poutine a été averti qu'il devait compter sur de nouvelles sanctions de l'UE, selon ce quotidien. François Hollande et Angela Merkel avaient été précédés à Kiev par le secrétaire d'Etat américain John Kerry qui a souligné que Washington soutenait l'initiative de paix franco-allemande, en relativisant les promesses de livraisons d'armes létales à l'Ukraine, une décision à laquelle le président Barack Obama est en train de réfléchir tout en laissant une chance à l'initiative franco-allemande. Sans cesser de reprocher à la Russie d'armer les rebelles des enclaves de Donetsk et Lougansk, les partenaires de l'Alliance atlantique font le forcing pour arracher une solution diplomatique, conscients du grave danger qui pèse sur l'Europe dans le cas où le conflit viendrait à s'aggraver et conduirait Moscou à jouer son va-tout. Le spectre d'une invasion russe En répétant à qui mieux-mieux que c'est à Vladimir Poutine de «faire le choix d'en finir avec la guerre», les pays atlantistes tentent de freiner la déroute des troupes ukrainiennes en agitant, notamment le spectre d'une invasion russe qui aurait déjà commencé. C'est d'ailleurs l'accusation portée par les dirigeants ukrainiens, dont le Premier ministre Arseni Iatseniouk, qui déclarent, à qui veut les entendre, qu'ils combattent non les insurgés mais bel et bien l'armée rouge. Dans ce climat de tension aggravée, et tandis que la décision du président Obama est attendue avec impatience par les Ukrainiens, les doléances de Kiev ont déjà été exprimées quant à la qualité des armes sophistiquées, comme ́ ́des outils de communication, de brouillage électronique ou des radars ́ ́ que doivent fournir les Etats-Unis. Selon un rapport de groupes de réflexion américains, Washington aurait déjà arrêté une liste comprenant, entre autres, des drones et des missiles anti-véhicules blindés, dont l'Ukraine manque cruellement que de puissants missiles antichar. Si cela devait arriver, il va sans dire que l'implication des Etats-Unis aura pris une tournure catastrophique de nature à aggraver les tensions entre Moscou et Washington dont les relations sont devenues exécrables au cours des six derniers mois, comme aux pires moments de la guerre froide. Ces livraisons d'armes constitueraient un véritable casus belli et porteraient un «préjudice colossal» aux relations entre les deux super-puissances, a déjà averti Moscou. En attendant, les combats continuent de faire rage, faisant plusieurs centaines de morts selon des bilans toujours approximatifs.