Son initiative aura sans doute pour conséquence l'abandon, pour un temps au moins, de la solution strictement militaire. Le grand ayatollah Ali Sistani, qui représente l'autorité religieuse suprême en Irak, s'implique personnellement dans la crise politique qui secoue son pays. Rentré hier à Bassorah, après un séjour médical à Londres, en Angleterre, la figure emblématique des chiites irakiens se rendra à Najaf demain. Avant cela, il a lancé, hier, un appel à tous les irakiens pour marcher sur la ville de Najaf. Une initiative que les observateurs de la scène irakienne interprètent comme un véritable test de popularité pour l'ayatollah, dont l'autorité au sein de la communauté chiite est difficilement mesurable, notamment avec la montée en puissance de son principal rival, Moqtada Sadr, qui tient tête à l'occupant américain depuis des mois. L'appel de Sistani intervient alors que la situation autour du mausolée de l'Imam Ali s'est compliquée davantage et l'on s'attend un assaut sur ce lieu saint du chiisme, à proximité duquel un missile américain est tombé hier. Des blindés stationnent à moins 400 mètres de la bâtisse, ce qui renseigne sur une volonté de passer à l'acte, quitte à faire de gros dégâts dans le mausolée. Les miliciens de Sadr, apparemment décidés à ne pas évacuer les lieux, ont procédé, hier matin, à la fermeture de toutes les issues du mausolée. Le mur d'enceinte compte quatre portes à chacun des points cardinaux. Trois étaient déjà fermées et les miliciens ont clos la porte de l'entrée principale, au sud, selon des témoins oculaires. Cela dit, le retour au-devant de la scène de Ali Sistani aura sans doute pour conséquence l'abandon, pour un temps au moins, de la solution strictement militaire. Cela, malgré l'ultimatum lancé, avant-hier, par le ministre irakien de la Défense, Hazem Chaâlane, qui avait déclaré que les miliciens n'avaient que «quelques heures» pour se rendre avant que les forces irakiennes ne donnent l'assaut. Les autorités irakiennes, autant que les Américains, sont en attente de l'impact sur la population de l'appel du chef suprême des chiites irakiens. Une forte mobilisation obligera, en effet, les miliciens de l'armée du Mehdi à lâcher prise et libérer le lieu saint qu'ils occupent depuis le 5 août dernier. Pour l'heure, sur le terrain des opérations, les armes ne se sont pas tues. Une dizaine de militants de Sadr ont été blessés entre mardi et hier, a annoncé un médecin de la clinique de l'Armée du Mehdi, dans l'enceinte même du mausolée. Parallèlement aux combats sporadiques aux alentours du mausolée les cadres de l'armée du Mehdi, entretiennent un sentiment anti-Allaoui. En effet, quelque 150 personnes ont manifesté dans le patio du mausolée en criant «Allaoui le boucher, démission!», alors que la voix qui s'échappe des hauts parleurs installés sur les minarets affirme que Najaf ne sera pas un nouveau Kerbala. Allusion à la bataille menée par l'imam Ali qui, encerclé avec 600 hommes dans la plaine de Kerbala par le calife Yazid, mourut décapité. Les chiites commémorent chaque année l'évènement par des flagellations. C'est donc, autant sur le terrain religieux que sur celui de la politique que Moqtada Sadr entend mener sa propagande pour garder une popularité, acquise par la force des armes. La marche à laquelle a appelé l'ayatollah Ali Sistani peut provoquer une brèche dans le discours de Moqtada Sadr qui risque ainsi de perdre le capital sympathie qu'il a accumulé. Et pour cause, l'entrée en scène de Sistani peut signifier la fin de son mouvement politico-militaire. Cela dit, une pareille éventualité ne peut se confirmer que dans le cas de la réussite de l'initiative lancée par la figure emblématique des chiites irakiens.