Retombée Ce scrutin permettra à la communauté chiite irakienne d?accéder au pouvoir après en avoir été écartée depuis toujours. Les chiites se partagent entre un courant religieux majoritaire fidèle au grand ayatollah Ali Sistani et d'autres courants laïques ou modérés. Dans les années 1920, les dignitaires religieux chiites avaient demandé à leurs fidèles de boycotter les élections organisées par l'occupant britannique, scellant une longue exclusion du processus politique au profit des sunnites. Huit décennies plus tard, les rôles sont inversés. Les chiites, qui représentent environ 60% des quelque 26 millions d'Irakiens, iront voter. Leurs principaux partis ont formé une alliance qui, sauf coup de théâtre majeur, devrait remporter la majorité des sièges de l'Assemblée nationale transitoire. Cette liste d'union est assurée de la victoire depuis qu'elle a reçu la bénédiction d'Ali Sistani, la plus haute autorité religieuse chiite du pays, dont les avis sont scrupuleusement suivis. Pourtant, certains observateurs craignent que cette hégémonie annoncée signe une exclusion totale des sunnites et débouche sur une guerre civile. Bruce Hoffman, expert américain dans le domaine de la Défense et ancien conseiller de l'Autorité civile de la coalition aujourd'hui dissoute, affirme qu'il s'agit de la principale menace sur un Irak gouverné par les chiites. «Dans cette région, les gens ont de la mémoire et la vengeance est un plat qui se mange froid», prévient-il, soulignant la récente escalade des attaques antichiites menées par des extrémistes sunnites. Jusqu'à présent, les dirigeants chiites ont appelé leurs partisans à la retenue et ont dit être prêts à accepter des sunnites dans le prochain gouvernement. Même si les formations chiites affichent actuellement leur unité, cette façade recouvre d'importantes divergences. En effet, les principaux partis réunis sur la liste numéro 169 sont le Conseil suprême de la révolution islamique en Irak (Csrii) d'Abdelaziz Hakim, le Dawa et le Congrès national irakien (CNI) d'Ahmad Chalabi, ancien protégé des Américains tombé en disgrâce. Le Dawa, le plus ancien parti islamiste chiite d'Irak, s'est illustré dans la résistance contre le régime de Saddam Hussein. Son chef, Ibrahim Jaafari, vice-président intérimaire du pays, est très populaire. Le Csrii, plus conservateur, est accusé par ses détracteurs d'être une créature de l'Iran, ou plusieurs de ses dirigeants ont vécu en exil. M. Hakim a toutefois démenti vouloir installer en Irak une république islamique. De son côté, le CNI est d'inspiration laïque mais suit souvent la ligne des islamistes.