Roger Hanin, un enfant d'Alger et surtout un ami de l'Algérie Le célèbre acteur français, Roger Hanin, figure du cinéma et de la télévision de l'Hexagone est décédé hier matin à l'âge de 89 ans, des suites d'une détresse respiratoire. Avec son accent trempé on reconnaissait facilement ses origines de pied-noir, venu d'Alger. Ses traits de caractère ne le différenciaient pas des Algériens de notre époque, car il a grandi du côté des Trois Horloges. Né le 20 octobre 1925 à Bab El Oued, à Alger, Roger Hanin avait fait ses débuts dans le cinéma dans les années 1950 en campant des rôles dans des films comme Nous sommes tous des assassins d'André Cayatte (1952), sa première apparition sur écran, Sois belle et tais-toi de Marc Allégret ou encore A bout de souffle de Jean-Luc Godard. A la même époque Roger Hanin faisait ses premier pas sur les planches du 4e art où il s'est fait connaître en 1951 dans la pièce Vogue la galère avant de quitter le théâtre plus de 50 ans plus tard avec une quarantaine de pièces et de tournées à son actif. Très engagé politiquement pour les droits de la personne et contre le racisme, il réalise en 1985 un film qui montre l'autre visage de la France Train d'enfer. Le film est inspiré d'une histoire vraie quand le 14 novembre 1983 un jeune Algérien de 26 ans, Habib Grimzi, est battu à mort et défenestré du train Bordeaux-Vintimille par trois jeunes candidats à l'engagement à la Légion étrangère. Avec une filmographie très riche, plus de quatre-vingts oeuvres en près de 45 ans de carrière, Roger Hanin se lance dans le monde de la télévision et incarne, en 1989, le rôle qui deviendra indissociable de son nom, celui du Commissaire Navarro, une série télévisée qui a duré près de 20 ans. Cette figure de l'écran s'était également essayée à la réalisation avec à son actif six films dont Le protecteur (1973) et Soleil sa dernière oeuvre en tant que réalisateur sortie en 1997. Outre son talent de comédien, Roger Hanin avait également fait parler de lui en tant que romancier dès les années 1980 avec la publication de L'ours en lambeaux qui évoquera son enfance à Alger et sera suivi de dix autres oeuvres littéraires de fiction. Pour Navarro, suivi par des millions de téléspectateurs, Roger Hanin avait obtenu le 7 d'or du meilleur comédien en 1990. Il avait annoncé la fin de sa carrière d'acteur le 1er novembre 2008. Mais à côté de l'artiste il y a l'homme et son parcours. Un parcours qui a commencé à Bab El Oued, plus précisément à la rue Mizon. Roger Hanin est resté fidèle à son pays natal. Beau-frère par alliance de François Mitterrand par son mariage en secondes noces le 4 août 1959 avec Christine Gouze-Rénal, soeur de Danielle Mitterrand, il fut l'un des intimes du président français. Il l'a souvent accompagné dans ses voyages officiels en Algérie et l'invitait souvent à prendre un couscous pour se rappeler des délices de là-bas, son pays. Mais c'est en septembre 2000, à l'occasion d'un événement organisé par le producteur Bachir Derraïs qu'il sera accueilli comme un vrai enfant du pays. Roger Hanin est venu inaugurer le cinéma de l'été d'Alger, avec Alexandre Arcady, en compagnie du chanteur Faudel, de l'humoriste Gad El Maleh, du comédien Samy Nacery et d'une pléiade de stars du show-biz français. Ce retour des «enfants du bled» (autrement dit les pieds-noirs) lui a permis de se rapprocher des officiels algériens et surtout de discuter longuement avec le président Bouteflika. Visiblement ému, l'acteur lance au président: «Je n'ai que trois choses à vous dire: je vous soutiens, je vous respecte, je vous aime.» Quelques jours plus tard, Hanin est l'invité d'honneur. Bouteflika le décore six mois plus tard en lui décernant la médaille Achir, la plus haute distinction algérienne. «J'ai visité de très nombreux pays, mais je suis particulièrement fier de venir en Algérie», avait déclaré Roger Hanin lors de son séjour en Algérie. Mais bien avant, le comédien français s'était manifesté dans une tribune dans L'Humanité publié le 1er avril 1999, où il déclarait: «Je me dois à l'Algérie.» Il déclame son attachement éternel pour son pays natal: «Même sensation. L'Algérie, comme ma vie, m'a laissé bonheur, souffrance, frayeur. Et pourtant, dans le silence de mon bureau, j'ai l'impression, ce soir, que je ne la connais plus et que je n'ai ni droit ni qualité pour en parler. Et si je me taisais tout simplement? Ah, bien sûr! Ce serait plus conforme à l'élégance intellectuelle, et l'intelligentsia trouverait cette esquive correcte. Mais, décidément ce soir, je ne suis pas correct!... Je n'ai jamais été correct. Ni intellectuellement correct, ni politiquement correct, ni algériennement'' correct.» Mais au fond, il souffrait de ce qui se passait dans notre pays: «Et voilà que chaque jour, lorsque j'ouvre un journal, je lis: «Des Algériens ont assassiné quarante Algériens dans le massif de l'Ouarsenis.» A cette époque déjà, il parlait de cette violence qui touche aujourd'hui la France: «Je ne crois pas que Dieu veuille ce sang. Le Coran n'a jamais imaginé des scènes aussi déshonorantes, des sacrifices aussi écoeurants. Je ne suis pas musulman. J'en arrive à le regretter car aujourd'hui je pourrais parler plus haut, plus fort. Je suis juif et je dois une gratitude éternelle à l'Algérie d'avoir gardé sur sa terre et dans sa chair, des centaines de milliers de juifs pendant des siècles et des siècles jusqu'à l'arrivée des Français qui ont trouvé en envahissant le pays une communauté israélite intacte, heureuse et différente.» Décédé hier matin, après avoir été hospitalisé pendant plusieurs jours à Paris, l'acteur reposera en paix avec le sentiment d'être encore plus proche de l'Algérie qu'avant. Bachid Derrais, producteur et ami de Roger Hanin «J'ai connu Roger Hanin, l'enfant de la rue Randon en 1999, il m'avait été présenté par le réalisateur Alexandre Arcady. J'ai découvert un vrai Algérois. Il est resté fidèle à nos coutumes, sans démagogie ni hypocrisie. D'ailleurs, il ne s'est jamais mêlé à la politique malgré ses origines juives il a préfère rester neutre, distant et discret contrairement aux autres stars de même origine. Il portait l'Algérie dans son coeur. Il associait des Algériens dans chaque travail qu'il réalisait, que ce soit au cinéma ou au théâtre. Entre 1999 et 2005 il a effectué plusieurs voyage en Algérie dont certains médiatisés, d'autres non. Il préférait la discrétion. Il avait beaucoup d'humour, il passait son temps à raconter des blagues. Il a gardé en lui cette chaleur algéroise, sa simplicité, sa générosité malgré sa notoriété. Il se considérait comme un vrai Algérien.».