img src="http://www.lexpressiondz.com/img/article_medium/photos/P150219-09.jpg" alt=""L'inflation accélère les revendications sociales"" / Le pouvoir d'achat et l'inflation inquiètent les Algériens qui font face à l'érosion de la valeur du dinar et le professeur Abderrahmane Mebtoul explique dans cet entretien que depuis janvier 2015, la majorité des produits connaît une hausse vertigineuse d'où l'inflation. Ali Tirichine: Est-ce que le taux d'inflation est bien défini en Algérie? Abderrahmane Mebtoul: Concernant l'indice global de l'inflation, il doit être régulièrement réactualisé car les besoins évoluent. De surcroît, il est comprimé artificiellement par les subventions sinon il dépasserait les 10%. Car la perception de l'inflation est différente d'une personne qui perçoit 200 euros par mois de celle qui perçoit 10.000 euros mais n'ayant pas le même modèle de consommation. Un agrégat global comme le revenu national par tête d'habitant peut voiler d'importantes disparités entre les différentes couches sociales. Une analyse pertinente devrait lier le processus d'accumulation, la répartition du revenu et le modèle de consommation par couches sociales pour déterminer le véritable pouvoir d'achat. Aussi, une interrogation s'impose: comment est-ce qu'un Algérien vit avec un Snmg de moins de 190 euros par mois, au cours officiel soit 6,2 euros par jour, et 4 euros/jour sur le marché parallèle alors que le kilo de viande est de plus de 10 euros? La majorité des fruits dépasse 2 euros le kilo, sans oublier les produits de première nécessité comme la pomme de terre ainsi que les dépenses incontournables: alimentation, transport, santé, éducation. Les subventions et transferts sociaux mal ciblés et mal gérés ont atteint entre 2013/2014 environ 60 milliards de dollars soit 27/28% du PIB qui jouent temporairement et imparfaitement le rôle de tampon social. L'inflation fonctionne comme vecteur de redistribution et de concentration du revenu national au profit des revenus variables et pénalise les revenus fixes. Y a-t-il une issue à cette situation? Nous sommes dans un cercle vicieux: l'inflation accélère les revendications sociales pour une augmentation des salaires, qui à leur tour en cas de non-productivité accélèrent l'inflation. La détérioration du pouvoir d'achat accroît l'endettement des ménages ou accélère la déthésaurisation, notamment des couches moyennes qui se paupérisent. Y a-t-il des possibilités d'intervention de l'Etat? Lorsque l'Etat a les moyens financiers, l'importation de produits subventionnés constitue une sorte de tampon transitoire. Mais qu'en sera-t-il avec l'éclatement de la cellule familiale et en cas de chute du cours des hydrocarbures? Un couple avec deux enfants doit percevoir au minimum entre 35.000 et 45.000 dinars par mois uniquement pour subsister et éviter un nivellement. Or toute nation ne peut distribuer que ce qu'elle a préalablement produit. Quelles sont les raisons essentielles du retour à l'inflation en Algérie? Bien que solidaires, je recense quatre raisons essentielles du processus inflationniste en Algérie. Il y a d'abord, la faiblesse de la production et de la productivité interne du fait que 97/98% des exportations sont le résultat des hydrocarbures à l'état brut et semi-brut. La deuxième raison de l'inflation est la non-proportionnalité entre les dépenses monétaires et les impacts. Selon un rapport pour la région Mena, l'Algérie comparée à des pays similaires dépense deux fois plus pour avoir deux fois moins de résultats, démontrant une mauvaise gestion, pour ne pas dire une corruption socialisée. La troisième raison du processus inflationniste est la dévaluation rampante du dinar: 70 à 75% des besoins des ménages et des entreprises publiques et privées étant importés et avec la distorsion entre le taux de change officiel et celui sur le marché parallèle, les vendeurs s'alignant souvent sur le cours du marché parallèle. La quatrième raison du processus inflationniste est le fait que la dominance de la sphère informelle produit des dysfonctionnements dans les appareils de l'Etat. Il existe des liens entre cette sphère et la logique rentière avec des situations monopolistiques et oligopolistiques de rente avec des liens extérieurs, non intéressées par l'émergence d'entreprises productives, expliquant d'ailleurs la marginalisation du savoir et des compétences.