Les préparatifs sont allés non pas bon train mais cahin-caha, des retards affligeants sont enregistrés à tous les registres. Constantine, la cité fétiche de l'empereur romain Constantin 1er, capitale séculaire des royaumes numides depuis Massinissa à Jughurta, sans oublier Juba II, Constantine la ville chérie de la conquête arabe puis de la domination ottomane, Constantine dont les symboles ont transcendé les aléas du colonialisme malgré tous ses efforts pour la dominer et qui enfanta Ibn Badis et sa confrérie, Constantine capitale des arts et des lettres depuis des siècles et des siècles sera, ce mois d'avril, «capitale de la culture arabe»... Cela fait plus de deux ans et des poussières que la ville fut désignée pour accueillir cette manifestation si prisée, si coûteuse et donc si enrichissante! Deux ans et demi que les commis de l'Etat ont eu pour mandat d'organiser, avec diligence, tous les apprêts, préparer et les infrastructures nécessaires et les manifestations requises, que ce soit dans le domaine du théâtre, de la musique, du septième art, de la danse, des costumes et j'en passe. Le directeur de la culture local, commissaire de l'affaire en l'état, a eu, en théorie, du pain sur la planche, beaucoup de pain et sans doute nombre de planches. Le wali de Constantine, la ministre de tutelle, certes en exercice appliqué depuis un an et quelques mois, les armadas d'experts en ces matières qui ont le flair et le doigté pour se saisir de la moindre opportunité et en extirper le profit requis souvent, en-deçà des attentes et des termes du contrat, mais qu'importe, tout ce beau monde était censé s'inquiéter des étapes parcourues avant le jour J. Or, les préparatifs sont allés non pas bon train mais cahin-caha, des retards affligeants sont enregistrés à tous les registres. Est-ce avec la fin des travaux du Zénith qu'on compte relever le défi d'une manifestation étalée sur une année entière, accueillant des milliers de personnalités non seulement culturelles et artistiques du Monde arabe mais également politiques? Est-il normal d'annoncer en janvier, soit trois mois seulement avant le coup d'envoi des cérémonies, qu'un chapiteau sera installé à la cité Ali Mendjeli?Et les hôtels classés que l'on devait bâtir pour la circonstance? Où seront hébergés les centaines d'invités de cette grandiose manifestation? Où va-t-on projeter les dizaines de films généreusement financés, comme à l'accoutumée, et dont la quasi-totalité ne sortira probablement jamais, puisque tel fut le cas en d'autres circonstances? Avec quels moyens fera-t-on face pour le transport de toutes les délégations et quel sera le bal des hôtesses dont on retiendra le listing en temps opportun? Autant de questions, pour beaucoup sans réponse, si ce n'est quelques circonvolutions du genre «tranquillisez-vous, nous maîtrisons la situation». Mais le problème n'est pas là, car pour être tranquille, il faut être convaincu que la ville de Constantin a retrouvé son cachet, que ses rues sont propres et acquises à la circulation paisible, qu'on est en droit d'attendre une année durant, que ses trottoirs défoncés, un peu partout, ont un air de fraîcheur même circonstancielle et tant pis pour la pierre bleue détournée Dieu seul sait où. Il n'est pas sûr, pas sûr du tout, que telle sera la donne aux dires de nombreux Constantinois parfaitement au fait de la réalité quotidienne de la cité et de ses alentours. Que reste-t-il dès lors, sinon croiser les doigts et prier, ardemment, pour que le pire ne soit pas allègrement franchi. Mais tout indique que l'année de la culture arabe à Constantine, sera aussi une pièce de théâtre à nulle autre pareille.