La mouvance islamiste refait surface à la faveur du drame telle une charogne attirée par l'odeur des cadavres. Par petits groupes de deux ou trois personnes, ils s'insinuent à travers les foules présentes aux alentours des lieux du drame, et guettent au coin des rues de Bab El-Oued. Ces islamistes ne cachent pas leur intention. Ils profitent de la moindre brèche pour récupérer le mécontentement, exacerber la tension et lancer un mouvement de protestation pour reconquérir leur ex-fief. Dans la nuit d'avant-hier, par exemple, un camion JLR de couleur jaune, acheminant plusieurs quintaux de dons des Scouts musulmans algériens de Bab-Ezzouar, a failli être «détourné» vers la mosquée Es-Sunna. Deux barbus s'approchent du convoyeur: «C'est vous qui êtes responsable de ce camion?» «Oui», répond le convoyeur vraisemblablement au fait du «traquenard» . Le barbu l'oriente: «Je vous conseille de déposer la marchandise au niveau de la mosquée Es-Sunna, car ailleurs ils sont en train de voler et de vendre les dons.» Le camion, aidé par des citoyens, se dégage des méandres et prend la direction du centre du Croissant-Rouge algérien. La marche spontanée d'avant-hier sentait véritablement le FIS dissous, la volonté de certains éléments d'en découdre avec tous ceux qui ne respectent pas «la charia», les démonstrations de force et les slogans propres à cet ex-parti ne font aucun doute. Le constat a été établi il y a longtemps: l'arme des islamistes est d'agir sans scrupule pour récupérer un mécontentement social qu'importe s'il faut marcher sur des cadavres. A Bab El-Oued, après l'invocation de la fatalité et de la force divine, ils orientent leurs discours de proximité sur les défaillances du pouvoir. «Ils ont bouché les galeries d'évacuation des eaux usées pour empêcher les «ikhoua» de prendre refuge, mais aussi pour tuer le reste du peuple», confie un islamiste à un groupe de jeunes assis devant la porte d'un immeuble. Cette information rapportée auparavant par la presse nationale a été catégoriquement démentie par M.Zaoui, chef des patriotes de Bologhine. Il déclare à ce propos: «Il y a quinze jours je circulais avec mes éléments à l'intérieur de ces égouts.» Et d'ajouter: «Le problème se situe au niveau de la nouvelle station d'épuration installée à El-Kettani, où les raccordements n'ont pas été respectés. Les tunnels, eux, n'ont pas été bétonnés!» La nouvelle configuration macabre est en faveur des islamistes qui, selon certaines sources, ne s'arrêtent pas aux conciliabules de récupération et de soulèvement. Ils feraient même du porte-à-porte pour colporter à satiété leur discours à la faveur de l'absence de l'Etat. L'association SOS Culture Bab El-Oued tente plus au moins de contenir le mécontentement populaire déjà latent. Des appels au calme, à la sagesse et à la vigilance ont été lancés. Mais cette association peut-elle, à elle seule, colmater la brèche? Surtout que ces citoyens ne trouvent aucun moyen pour extérioriser leur détresse et exprimer leur désarroi. Au stade où sont les choses, les pouvoirs publics sont rudement dépassés. Toute carence ne saurait être interprétée que comme une marque de négligence ou de mépris. Ceci dit, la responsabilité de l'ensemble de l'administration était indiscutable bien avant le drame. Elle le sera davantage dans sa manière de gérer les faits et les actes. Des familles attendent dans l'immédiat des vivres, des couvertures et du gaz, des interventions rapides, sur place et urgentes sont nécessaires. Comme l'initiative de la zone GPL d'Alger qui a dépêché dans la nuit d'avant-hier un camion chargé de bouteilles de gaz butane à Triolet.