Confusion et fuite de responsabilité ont marqué l'information sur l'arrestation de l'ancien responsable irakien. Ce qui arrive depuis dimanche en Irak est aussi invraisemblable qu'incongru qui voit les deux alliés américains et irakiens se renvoyer la responsabilité de l'arrestation d'Ezzat Ibrahim Al-Douri qui a tourné, il est vrai, à la tragi-comédie. Ainsi, les Irakiens affirmaient-ils dimanche, après avoir laissé entendre avoir capturé l'ancien dirigeant irakien, que celui-ci était détenu par les Américains. Or, ces derniers ont démenti immédiatement toute implication dans cette affaire. Mais alors, qui a été arrêté? Tout est là, quelle était la personne qui a été présentée samedi soir comme étant l'ancien bras droit de Saddam Hussein et arrêté dans une clinique de Tikrit (au nord de Bagdad). En fait, tous les observateurs se perdent en conjectures se demandant ce qui s'est passé entre le moment de l'annonce de cette arrestation et celui de son démenti par le plus haut responsable de la Garde nationale à laquelle le fait d'armes était imputé. Le général Ahmed Khalaf Salmane, chef de la Garde nationale pour la région centre de l'Irak, a été on ne peut plus clair, «Nos forces n'ont pris part à aucune opération et n'ont pas arrêté Ezzat Ibrahim, et nous n'avons aucune information à ce sujet» a-t-il alors indiqué et enfonce le clou en ajoutant «aucune division ni aucune unité de la Garde nationale n'a pris part à cette affaire». Avis partagé par le gouverneur de Salaheddine, Hamad H'Moud Al-Qaïssi, qui affirme de son côté: «Il n'y a eu aucune opération pour arrêter Ezzat Al-Douri dans ma province et je ne sais pas d'où est venue cette information totalement fausse et irresponsable» soutenant: «Il y a eu perquisition il y a deux jours et c'est tout ce que nous savons.» Pour corser la chose, celui-là même qui annonça en grande pompe dimanche l'arrestation de l'ancien vice-président du Conseil de la Révolution, le colonel Abdallah Joubouri, chef de la Garde nationale à Tikrit - ancien fief de Saddam Hussein - est revenu ensuite sur ses dires, et, minimisant la participation de la Garde nationale, affirme en revanche que c'était «une opération purement américaine et ils m'en ont informé samedi. Nous n'avons rien à voir dans cette affaire.» Pourtant, c'est bien le colonel Joubouri qui affirmait dimanche avec force détails, (après l'annonce de la capture de l'actuel ennemi numéro 1 des Américains), les péripéties de cette pseudo-arrestation qui déclarait alors: «Au moment où nous mettions la main sur lui, des centaines de ses partisans sont venus le défendre et il y a eu des combats. Les militaires américains sur le terrain et des hélicoptères nous ont prêté- main forte. Il est aujourd'hui gardé par nous et la force multinationale», ajoutant même qu'il y a eu 70 morts parmi les partisans d'Ezzat Ibrahim Al-Douri et 80 autres ont été arrêtés. Alors tout cela, c'est de la fabulation, d'autant plus que le Pentagone qui se trouve dans l'expectative indique qu'il ne pouvait «ni confirmer ni démentir» les faits de cette extravagante affaire, selon un porte-parole du département de la Défense américaine, Glenn Flood. Celui-ci ajoute toutefois: «Les dernières informations que j'ai eues indiquent que ce n'est probablement pas de lui qu'il s'agit.» Aussi, a-t-il été décidé d'opérer une analyse d'ADN sur la personne présentée comme étant Ezzat Ibrahim Al-Douri, pour déterminer l'identité de l'individu arrêté, comme annoncé dimanche en fin de soirée. Or, hier, le ministère irakien de la Santé démentait totalement une telle démarche indiquant n'être pas «au courant» de cette initiative précisant: «Nous ne sommes au courant d'aucun test d'ADN et s'il était pratiqué, nous en serions informés, car c'est nous qui sommes chargés de le pratiquer.» Ainsi, Américains et Irakiens se renvoient la responsabilité du dérapage de la fausse arrestation d'Al-Douri qui reste l'un des plus importants dirigeants du régime déchu encore en liberté. En fait, la capture d'Ezzat Ibrahim Al-Douri - qui formait avec Saddam Hussein et Taha Yassine Ramadan, le noyau dur du régime baassiste - permettra de tourner une page noire et de fermer une parenthèse de l'histoire récente de l'Irak.