Lancée il y a 10 jours, l'offensive des forces gouvernementales irakiennes pour reprendre Tikrit a pris un tour nouveau avec la percée des rangs jihadistes par le nord de la ville. Les forces irakiennes sont entrées dans Tikrit hier pour la première fois depuis la prise de cette ville en juin par le groupe Etat islamique (EI), qui tente en Syrie voisine de contrôler une route entre les deux pays. Des soldats, des policiers et des membres des Unités de mobilisation populaire, une force para-militaire principalement composée de miliciens chiites, ont repris le contrôle d'une bonne partie du quartier Qadisiyah, mais la suite s'annonce délicate, a d'ores et déjà prévenu un haut gradé sous le couvert de l'anonymat. «Nous n'avons pas face à nous des combattants au sol mais un terrain piégé et des snipers», a-t-il ajouté, une technique rodée des jihadistes, de truffer de bombes et autres engins explosifs les villes qu'ils s'apprêtent à quitter. Les forces irakiennes n'ont pas été aidées directement dans cette bataille par la coalition antijihadistes mise sur pied par les Etats-Unis, qui mène des raids depuis août en Irak, depuis septembre en Syrie. Elles sont en revanche appuyées par l'Iran, qui soutient les milices chiites irakiennes auxquelles Téhéran aurait fourni artillerie, entraînement et «certaines informations», selon le plus haut gradé américain, le général Martin Dempsey. Un ex-chef de la CIA s'est dit «mal à l'aise» de l'influence de l'Iran chiite en Irak, et «mal à l'aise de voir l'offensive contre Tikrit ressembler à une avance chiite dans une ville sunnite», sans que l'on sache si l'absence de raids directs de la coalition était lié à cette présence iranienne. Plus au sud, à 100 km de Baghdad, les jihadistes ont mené une attaque coordonnée à Ramadi, le chef-lieu de la province d'Al-Anbar où ils sont entrés il y a plus d'un an, bien avant leur fulgurante percée de juin 2014. Sept kamikazes ont fait exploser leurs véhicules piégés à travers la ville, tuant au moins 10 personnes et faisant une trentaine de blessés, selon la police. Parmi les assaillants se trouvaient un Belge, un jihadiste originaire du Caucase et un Marocain, selon des informations diffusées par des comptes pro-EI sur les réseaux sociaux. Plusieurs responsables ont affirmé que le nombre de véhicules impliqués dans l'attaque pourrait être encore plus élevé, tout en soulignant que le groupe extrémiste n'avait pas gagné de terrain dans Ramadi, partagée entre jihadistes et forces gouvernementales. «Nos forces de sécurité étaient prêtes», a salué le gouverneur d'Al-Anbar, Sohaib al-Rawi, sur les réseaux sociaux. Al-Anbar est une vaste province largement désertique mais stratégique pour l'EI car frontalière de la Syrie et peuplée en majorité de sunnites. Ses habitants n'ont pas toujours vu les jihadistes d'un mauvais oeil, lassés d'être marginalisés par le pouvoir irakien dominé par les chiites depuis la chute de Saddam Hussein en 2003. De l'autre côté de la frontière, en Syrie, l'EI a lancé une offensive majeure hier pour tenter de conquérir la ville kurde de Ras al-Ain (nord), frontalière de la Turquie, a indiqué l'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH, basé en Grande-Bretagne). Ras al-Ain, située dans la province de Hassaké et qui comptait environ 50.000 habitants avant la guerre, est contrôlée par la principale milice kurde de Syrie, les YPG. Les combats ont fait des dizaines de morts dans les deux camps, selon l'OSDH. La ville est située à une trentaine de km de Tall Tamer, que les jihadistes veulent prendre pour s'ouvrir un corridor reliant la province d'Alep (nord) à la frontière irakienne et à Mossoul. Le nord-est de la Syrie est stratégique pour les jihadistes, offrant un passage vers la Turquie mais surtout vers l'Irak.