L'exceptionnel périple de 15.000 km accompli par l'enfant de Guelma, du Nord algérien au Tibesti, en passant par Kidal et le Ténéré. La stature imposante, quoique amaigri par six mois de captivité, l'oeil encore vif, les traits mystérieusement sereins et le sourire accroché aux lèvres, le chef du Gspc Amari Saïfi, dit Abderrezak El Para a fasciné aussi bien le reporter de France 2, Patrick Forestier, que le mouvement rebelle tchadien, le Mdjt, qui le garde prisonnier depuis mars 2004. Eloigné de ses quatre autres compagnons, Algériens pour la majorité, mais aussi Mauritaniens, Maliens et Nigérians, El Para, pieds et poings liés par des menottes, apparaît pour la première fois, à l'écran d'une chaîne de télévision France 2 a donné l'occasion aux Algériens de voir pour la première fois celui dont la presse parle depuis plusieurs années et qui a défrayé la chronique en enlevant dans le Sahara algérien trente-deux touristes européens, qui ne seront libérés que cinq mois plus tard à Kidal au nord du Mali. Calme, serein, presque illuminé, El Para parle peu, et ne semble pas se soucier de l'avenir outre mesure: «Nous sommes venus au Tibesti pour nous ravitailler chez les tribus et nous reposer». Pourquoi s'être aventuré dans cette zone en guerre? «Nous avons fui le gouvernement algérien qui nous persécute et à qui nous avons déclaré la guerre. Notre objectif est de changer le régime en place par le djihad». Il affirme être natif de Guelma, dans l'Est algérien, et avoir une mère française, une certaine Blanchet, «qui vit encore en Algérie». Concernant la prise d'otages, il confirme qu'il a kidnappé les touristes, dont la majorité était des Allemands, afin de contraindre l'Allemagne à ne plus s'investir dans le tourisme algérien, qui fait gagner beaucoup d'argent à l'Etat. Il reconnaît aussi avoir réussi à capturer d'autres touristes, dont des Français, qu'il avait relâché et avec qui il garde encore une relation amicale, après leur avoir expliqué l'objectif que le Groupe salafite pour la prédication et le combat s'est assigné par la voie du djihad en Algérie. El Para reconnaît avoir touché une rançon pour libérer les quatorze touristes (dix-sept avaient été libérés à Amguid, en Algérie), mais en homme de parole, ne veut pas dire combien: «On a pris l'engagement avec le gouvernement allemand, de ne pas divulguer le chiffre.» Revenant sur l'accrochage avec l'armée du régime Deby, il reconnaît que son groupe avait subi de lourdes pertes et perdu beaucoup d'hommes, «vingt moudjahids» soutient-il, mais pavoise sur le résultat final: «Nous avons tué soixante-trois militaires, blessés deux cents autres et détruit 4 véhicules, et nous avons pu nous enfuir plus au nord-est». C'est après cet épisode qu'il avait été capturé ainsi que ses hommes par le groupe de la rébellion tchadienne, le Mdjt, dont le chef actuel est Hassan Abdellah Merdegue. «Nous les avons trouvés épuisés, affamés, au bout de leurs forces. Lorsqu'ils nous ont vus, ils n'ont opposé aucune résistance, il y en a même qui ont jeté littéralement leurs armes en nous apercevant». Un sourire toujours accroché aux lèvres, Abderrezak El Para donne l'air d'avoir plus d'un tour dans son sac. Ses yeux verts et son visage serein mais basané par les grandes canicules du Tibesti, ne trahissent aucune émotion. Son regard perçant et son étrange sérénité renseignent sur des choses qui nous échappent encore. Six mois après avoir été capturé, El Para se trouve encore dans une faille des grottes du Tibesti. Le reportage de France 2 a été surtout une occasion pour le mouvement rebelle de démontrer qu'il est une organisation qui se bat pour des idéaux de justice et de démocratie, contre un Etat tyrannique, et n'a aucun lien - loin s'en faut - avec des salafistes qui font du prosélytisme et appellent au djihad. El Para est retenu éloigné de deux jours de route caillouteuse et dangereuse de ses compagnons, «afin qu'il ne tente pas une fois de plus de s'enfuir», disent ses gardiens, mais en fait il est mis dans un endroit secret qui n'est connu que des seuls chefs, «afin de marchander avec le moment venu». L'exceptionnel périple d'El Para l'a mené sur une distance de 15.000 km de l'Est algérien au Tibesti, en passant par Kidal et le Ténéré, terre arides et impénétrables du Mali et du Niger. Né le 23 avril 1966 à Guelma, membre des troupes spéciales de l'armée algérienne, les parachutistes (il aime à répéter qu'il était membre de la garde rapprochée du général Khaled Nezzar avant de déposer sa démission, en 1991), l'enfant de Bouhachana, près de Guelma, se retrouve en train de téléphoner à Ayman Zawahiri, l'éminence grise d'Al Qaîda et théoricien de l'organisation. Destin exceptionnel pour celui qui se retrouve, à 38 ans, à la fin d'une aventure, ou...à l'aube d'une nouvelle.