Ce texte avait permis à l'EN d'obtenir ses plus beaux titres de gloire. Alors que Robert Waseige n'avait pas encore regagné son pays, la question autour de laquelle tout le monde se focalise est : qui va devenir le nouvel entraîneur national? C'est extraordinaire ce que l'oubli est aisé dans notre football. Moins d'une semaine, en effet, après la débâcle de l'EN contre le Gabon, on en est à spéculer sur celui qui va prendre la suite de Waseige. En un rien de temps, tout a été effacé. Le problème n°1 du football algérien consiste à désigner un sélectionneur national. Comme si celui-ci, une fois nommé, va nous proposer la recette miracle qui va transformer cette discipline en une machine à gagner. Dans la tourmente qui a suivi le match contre le Gabon, on en a aussi profité pour jouer au jeu de la comparaison pour dire que tel joueur était meilleur que ceux qui ont été alignés, nombreux n'hésitant pas à déclarer que le tort avait consisté à faire appel à des émigrés et à n'avoir pas fait confiance aux joueurs d'ici. Certains, suivant leurs affinités en sont allés jusqu'à regretter qu'on n'ait pas choisi un club (USMA, JSK ou MCA) pour affronter les Gabonais. Il y en a qui prennent leurs rêves pour de la réalité jusqu'à penser que le football algérien était assez riche en talents pour qu'on monte une autre équipe nationale. Notre football ne forme plus Il se trouve que l'on fait tout faire en ce domaine. Les joueurs d'ici n'ont qu'un nom à faire valoir. Englués dans un championnat d'une médiocrité manifeste, ils n'ont absolument pas le talent pour jouer au plus haut niveau. En dehors de Saïb (et encore qui n'est allé qu'à Auxerre qui n'est ni Manchester United, ni le Milan AC, ni le Real Madrid et qui une fois hors de la France, a échoué) qu'on nous cite un joueur de chez nous qui ait éclaté dans un club moyen de France. Dziri, en son temps, n'avait jamais pu s'imposer dans le modeste Sedan, Saïfi n'a trouvé que le faible Troyes pour le faire jouer et il vient d'échouer à Istres qui n'est même pas sûr de se maintenir en D1, Bezzaz n'est même pas titulaire chez le faible AC Ajaccio. Quant à Achiou, il a tenté un essai chez le toujours modeste Sedan mais il n'a pas été concluant. On fera remarquer que tous ces jeunes n'étaient pas n'importe qui mais des internationaux en puissance et dont les noms étaient étalés constamment en super manchettes des hebdomadaires sportifs du pays. Le fait est que nous n'avons pas de joueurs performants chez nous en raison d'une faillite dans la politique de formation et de l'anarchie qui règne dans nos clubs. Il y en a qui diront : mais comment font les Camerounais qui ne disposent pas d'un championnat plus fort que le nôtre? Ces Camerounais-là ont la chance de s'appuyer sur une armada de joueurs évoluant tous à l'étranger dans quelques-uns des plus grands clubs d'Europe. Leurs joueurs, eux, lorsqu'ils sont jeunes et vont dans les centres de formation européens, ne ratent pas leurs essais. Un point c'est tout. Nos joueurs nationaux, étant faibles, cela est reconnu, il nous restait à nous tourner vers les émigrés qui, eux, partaient avec l'avantage d'avoir suivi une meilleure filière de formation. Seulement, eux aussi n'ont pas le talent reconnu pour évoluer au plus haut niveau. C'est donc avec un tel effectif que l'on veut monter une équipe pour qu'elle aille au Mondial. Il n'est, vraiment, pas interdit de rêver. Mais le problème réside-t-il dans cette comparaison que l'on veut absolument appliquer entre les joueurs locaux et émigrés? Le drame de notre football n'est-il pas plutôt dans cette anarchie qui s'est installée dès 1990 au lendemain du désengagement des entreprises publiques de la discipline? De cette date à nos jours, la porte a été laissée ouverte à tous les abus. Durant cette période, la FAF a connu les pires moments de son histoire avec des AG organisées à la pelle, au frais du contribuable par un MJS qui ne savait pas sur quel pied danser. Durant cette période, les clubs ont été redonnés à des «civils» que l'on a autorisé à gérer les fonds publics sans qu'aucun critère d'éligibilité n'ait jamais été défini. Durant cette période, on a certes inauguré beaucoup de stades mais ceux-ci étaient sitôt refermés pour manque d'entretien, pour une pelouse défectueuse ou simplement parce que le club local, par pur esprit de mauvais sportif, voulait évoluer sur un petit terrain en tuf. Durant cette période, les joueurs de l'élite passaient d'un terrain en pelouse naturelle à un terrain en tartan en passant par un terrain en tuf. Durant cette période, l'argent débloqué, disait-on, devait aller à la formation. En fait, il ne servait uniquement les seniors, à acheter des joueurs surestimés et à garnir les poches de certains. Durant cette période, il est vrai, l'Algérie a traversé une douloureuse période liée à l'un des terrorismes les plus barbares de l'histoire. Le football, tant bien que mal, a continué à activer. D'où l'aide de l'Etat, lequel n'exigeait presque aucun contrôle. Avec une FAF chancelante, des clubs déstructurés, une politique de formation presque nulle, comment pouvait-on parler d'équipe nationale? La dernière performance datait de 1990. c'est elle qui avait remporté la CAN et la Coupe afro-asiatique des nations, mais elle était à l'extrême limite de son rendement. Au-delà, nous n'avons eu droit qu'à des déboires. Un long processus Nous sommes-nous posé la question de savoir d'où venait cette équipe de 1990? Elle n'avait été que l'ultime but d'un long processus qui avait vu, en 1975, l'EN s'imposer aux jeux Méditerranéens grâce à une ossature issue de l'équipe nationale militaire drivée par Rachid Mekhloufi. Deux ans plus tard, feu Houari Boumediene, l'ex-président de la République, mettait en application le code de l'EPS et avait demandé au ministre de la Jeunesse et des Sports de l'époque, Djamel Houhou, de lui monter une équipe nationale performante. C'était en 1977. Cinq ans plus tard, l'équipe nationale était au Mondial espagnol et battait l'Allemagne avec des joueurs locaux mais aussi avec des émigrés. Le ministre avait reçu carte blanche jusqu'à mettre les joueurs internationaux à la disposition du sélectionneur national à titre permanent. Pas un club ne bronchait. L'intérêt national primait. Et puis, de toutes les manières, ces clubs vivaient avec l'argent de l'Etat. Ceux d'aujourd'hui en vivent tout autant mais demandent l'autonomie pour mieux manipuler l'argent public. Est-il donc interdit de copier et de faire comme avant? De 1977 à 1989, le football a réussi, qu'est-ce qui nous empêche de reprendre la formule au moment où le football perd ses repères? C'est sûr que nombre de dirigeants de clubs vont grincer des dents mais il s'agit de rétablir un système qui penche vers l'agonie. La décision politique au plus haut niveau s'impose à cet effet. Si la FAF ne reçoit pas l'appui adéquat en ce sens, il faudra mettre une croix sur notre football.