Coupant court à la polémique en cours, le chef de l'Etat a l'intention d'adopter le texte en conseil des ministres avant de le transmettre au Parlement. Tout porte à croire que le chef de l'Etat a l'intention d'user de la méthode qui a fait son succès concernant plusieurs autres dossiers, à propos du code de la famille. Ainsi, Bouteflika aurait-il l'intention d'adopter ce texte en conseil des ministres ce samedi prochain, avant que le projet de loi ne soit soumis aux deux chambres du Parlement durant sa session d'automne. Cette décision, que les observateurs qualifient d'«offensive», répond au besoin qu'éprouve le chef de l'Etat de «continuer d'aller vite dans ses réformes, n'hésitant pas à bousculer, le cas échéant, certaines embûches se dressant sur sa route». Il est à rappeler que le premier magistrat du pays avait déjà évoqué cette méthode, à la hussarde, lors de son discours d'investiture, au lendemain de sa réélection à la tête de l'Etat algérien. Ainsi, les observateurs s'attendent-ils à ce que ce signal fort qui viendrait de la présidence «tempérerait les ardeurs» de nombreux détracteurs du projet de réforme du code de la famille. Entendre par là, notamment, le MSP, de nombreux membres de la commission qui avait été mise en place à cet effet, mais aussi certaines personnalités de la société civile, parties en guerre contre cette réforme devenue «indispensable à la faveur du grand plan portant refondation de l'Etat algérien, mais aussi des nombreuses conventions internationales ratifiées par l'Algérie, que contredit, notamment, le code de la famille de 1984». Il est à signaler que la démarche que compte suivre Bouteflika, dans le but d'introduire les réformes rendues nécessaires au code de la famille, a déjà été suivie pour de nombreux autres projets. C'est ainsi que la fameuse concorde civile était entrée en vigueur avant même que le parlement ne l'adopte, ni que le peuple ne l'ait approuvé en consultation référendaire. Il en va de même pour la révolutionnaire réforme de l'école, que l'Exécutif a entreprise sur les chapeaux de roue, prenant ainsi de vitesse le camp islamiste voyant d'un très mauvais oeil un enseignement ouvert sur l'universalité et les technologies les plus diverses, sans qu'il ne soit plus question d'une éducation religieuse «formatée» formant, pour ne pas dire déformant, les intégristes de demain. Pour ce qui est des principaux changements introduits dans le texte, et dont nous avions fait état en exclusivité dans une précédente édition, il convient de souligner que ceux-ci concernent une bonne partie des récriminations soulevées L'on relève certes, quelques amendements qu'il est permis de qualifier de positifs. Il n'en demeure pas moins que pas mal de dispositions maintenues en l'état continuent de brimer la femme, alors que des changements viennent tout simplement ajouter à la confusion d'un dossier déjà bien assez compliqué sans cela. Il en va de la sorte pour l'amendement de l'article 52. Celui-ci stipule que la mère qui a la garde des enfants est maintenue dans le domicile conjugal. Dans le cas contraire, l'époux est tenu de mettre à la disposition de sa «marmaille» un logement, quitte à ce qu'il le loue. La loi, toutefois, fait montre d'un certain cynisme puisqu'elle ne précise pas si le «toit» à procurer doit être équivalent de celui que la femme répudiée doit quitter avec ses enfants, ce qui laisse toute latitude à l'homme de trouver n'importe quel expédient pour procurer un semblant de demeure sans risquer d'être inquiété le moins du monde. La polygamie est ainsi maintenue, même si elle est soumise, désormais, à l'approbation d'un magistrat, ce qui, aux yeux des observateurs, constitue une éclatante victoire pour les islamistes. L'article 39 n'a pas été amendé. Pourtant il compte parmi les articles qui soumettent l'épouse à son mari. Ce dernier, véritable seigneur dans sa demeure, demeure, dans l'absolu, libre d'interdire à sa femme, mais aussi de lui ordonner ce qu'il veut. L'article en question dispose en effet que «l'épouse est tenue d'obéir à son mari et de lui accorder des égards en sa qualité de chef de famille, allaiter sa progéniture si elle est en mesure de le faire et de l'élever, respecter les parents de son mari et ses proches». Le cas échéant, elle est purement et simplement répudiée sans préavis. Ainsi, le droit au travail des femmes et celui de l'instruction n'est pas garanti et est soumis au tuteur. Cet article vient en contradiction de celui qui instaure le contrat de mariage dans lequel les deux prétendants consignent leurs conditions chacun en ce qui le concerne. En dépit de ces constats de carence, l'instauration du contrat de mariage donne une certaine liberté de manoeuvre à ceux qui veulent s'affranchir des pesanteurs islamistes. L'article 53, demeuré en vigueur, s'intitule comme suit: «Il est permis à l'épouse de demander le divorce par jugement dans le cas où l'époux ne subvient pas à ses besoins, à moins que l'épouse ait connu l'indigence de son époux au moment du mariage sous réserve des articles 78, 79 et 80 de la présente loi; pour infirmité empêchant la réalisation du but visé par le mariage; pour refus de l'époux de partager la couche de l'épouse pendant plus de quatre mois ; pour condamnation du mari à une peine infamante privative de liberté pour une période dépassant une année, de nature à déshonorer la famille et rendre impossible la vie en commun et la reprise de la vie conjugale; pour absence de plus d'un an sans excuse valable on sans pension d'entretien; pour tout préjudice légalement reconnu comme tel, notamment par la violation des dispositions contenues dans les articles 8 et 37; pour toute faute immorale gravement répréhensible établie.» L'amendement introduit à ces conditions extrêmement contraignantes consiste «à obliger la femme à prouver la séparation des corps». (Sic). Le nouveau texte vient consacrer l'autorité parentale sur les enfants, ce qui est quand même une avancée notable par rapport à l'ancien texte. Ainsi, le père n'est plus l'unique tuteur de ses enfants. En cas de divorce, l'autorité parentale revient à celui des parents qui a la garde des enfants. Pour terminer sur une note «cocasse», le nouvel article 53 maintient la possibilité de rachat de sa «liberté» par la femme. En cas de désaccord entre les époux, la «rançon», dit-on, ne saurait excéder la dot payée par l'époux.