Inspiré de la vie de Jean Sénac, ce film plaide pour une Algérie libre et démocratique... L'histoire au départ semble banale, voire simpliste. Avec du recul, on y plonge dans ses méandres car on ne peut rester insensible face au chaos et au cri de détresse d'un Jean Sénac dont la seule faute a été d'aimer son pays l'Algérie, son soleil, sa mer...de l'aimer plus que tout jusqu'à en mourir... Bouleversant dans le rôle de ce poète marginal, homosexuel sous le régime de Boumediène, Charles Berling est tout simplement époustouflant, incarnant comme lui seul sait le faire, tout l'humanisme d'un Jean Sénac, poète maudit et incompris. A l'origine, le réalisateur Abdelkrim Bahloul souhaitait réaliser un documentaire sur Jean Sénac qui avait su prédire selon lui les années sombres qu'a connues le pays durant les années 90. Le projet se transforma en 1996 en fiction, suite à l'assassinat des moines de Tibehrine. «J'ai éprouvé la même honte que celle ressentie lorsque j'appris l'assassinat de Sénac en 1973» avoue Bahloul. Aussi, inspiré de la vie de Sénac, le film Le soleil assassiné plaide pour la liberté et la démocratie et le refus de ployer sous la censure. Dérangeant à plus d'un titre, le film Le Soleil assassiné porte un regard assez critique sur une Algérie détestable qui dénie le droit de liberté à un Algérien, car différent des autres. Différent par ses idées progressistes et aussi non conformes à la pensée unique de l'époque. Beaucoup d'intellectuels partageaient à l'époque ses idéaux mais bon nombre d'entre eux sont partis. Lui, est resté. L'histoire est douloureuse. Arrachante. Le regard perçant de Jean Sénac, Berling sonde par sa poésie les bouleversements qui vont s'opérer au sein de la société algérienne. Il est chassé de la Radio algérienne sans aucune explication. Cela se passe dans l'Algérie post-indépendance. Dix ans sont passés. Ses poèmes trouvent un écho particulier chez la jeunesse algérienne qui, désoeuvrée, rêve déjà de partir. Aussi, quand Hamid et Belkacem, deux étudiants, apprennent que la pièce qu'ils ont écrite et présentée au premier festival national du théâtre algérien est déclassée sous prétexte qu'ils ont joué en français, leur peine va être atténuée par la présence en coulisses de Jean Sénac qui les félicite et les encourage à persévérer. Devenus amis intimes du poète, ces derniers vont accompagner avec une immense émotion Sénac dans son combat. Critiqué par certains, salué par d'autres, ce film ayant glané plusieurs prix, nous assure-t-on, n'a pas la prétention de raconter la vie de Jean Sénac mais de servir comme élément déclencheur de conscience et de discuter sur nos propres faiblesses...D'aucuns ont trouvé des «failles», car ils voulaient en savoir plus sur Sénac. Une carence due, nous explique-t-on, due à l'insuffisance du budget alloué à sa réalisation. Reste que l'âme du personnage est là et ceci est l'essentiel. L'amour débordant pour l'Algérie et l'humanisme de Jean Sénac est bel et bien au rendez-vous, crevant l'écran...jusqu'aux larmes. Une coproduction algéro-belge, ce film tourné en Tunisie, n'a pu se faire en Algérie considéré, comme un pays de guerre, par conséquent, revenant trop cher en assurance à son réalisateur. Et pourtant, il mérite plus qu'une seule séance de projection.