Ceux qui se servent de la détresse populaire pour gérer leurs fonds de commerce politiciens sont cernés de toutes parts. Durant plusieurs années consécutives, le chef de l'Etat prend les devants en mettant au point un dispositif ficelé concernant la prise en charge des couches défavorisées lors du mois de Ramadan. Cette fois-ci, près d'un mois avant le début de ce mois de piété, hélas synonyme de lucre pour certains, et de récupération politicienne pour d'autres, Bouteflika a consacré son conseil des ministres de ce samedi, entre autres, à cette question. A la lecture des mesures prises, il apparaît clairement que l'Exécutif, qui a nettement progressé sur cette voie, cherche à en finir définitivement avec la spéculation qui saigne à blanc les ménages en cette occasion, mais aussi à empêcher les divers courants politiques, plus précisément islamistes, à faire commerce des besoins spécifiques des ménages algériens en ce mois. L'Etat prend donc les devants en mettant en place les moyens nécessaires, dans le respect des règles d'hygiène, pour assurer la distribution de quelque 50 millions de repas, mais aussi un million de couffins. Une hausse significative par rapport à l'année passée, qui n'est pas sans rappeler que la misère, hélas, n'a pas reculé même si le plan d'aide à la relance a donné des résultats probants sur le plan des indices macroéconomiques. Il apparaît ainsi que les risques de récupération, alors que la mouvance islamiste nous prouve à propos qu'elle est loin d'être isolée à la faveur du débat sur le nouveau code de la famille, ne sont guère loins. Tout comme les catastrophes naturelles sont régulièrement mises à profit par cette mouvance, extrêmement mobile et incrustée dans la société, pour tenter de s'allier de larges pans de la société, le mois de Ramadan a toujours été une occasion en or pour ce courant, qui fait commerce le jour, et en prêche les vertus intrinsèques le soir venu. L'Etat, il faut le dire, a longtemps durant, mis le paquet uniquement sur la lutte antiterroriste. Les groupes terroristes, durant les années 90, redoublaient d'ardeur et de cruauté durant ce mois. Nous avons vécu de terribles années où il ne se passait presque pas un jour qui ne soit ponctué par un sanglant attentat à la bombe à Alger, ou bien dans ses environs immédiats. Cela, sans oublier la plupart des autres régions du pays, également endeuillées par un terrorisme aveugle et sans pitié. La priorité allait tout naturellement à la préservation des vies humaines. Pendant ce temps, les ménages, et à leur corps défendant, demeuraient les otages d'une faune de spéculateurs avides de gains rapides et faciles, mais aussi de dangereux mécènes, ouvrant à l'emporte-pièce des «resto du coeur», n'ayant de coeur qu'à la propagation des idées islamistes les plus rétrogrades. L'Etat, à ce propos, ne doit pas avoir perdu de vue que ce qui faisait un des succès du Fis dissous, ce sont bien ses fameux «marchés islamiques» financés avec l'argent du contribuable, et dispensant les produits les plus divers à des prix plus que sacrifiés. L'Etat, en train d'en finir définitivement avec le terrorisme, impose désormais ses propres règles, celles de la République, en matière de lutte contre la spéculation et le prosélytisme. Même s'il n'est pas interdit aux citoyens aisés d'aider leur prochain, ces activités seront désormais codifiées mais aussi placées sous le contrôle de pas moins de 35.000 agents payés par le Trésor public. L'Exécutif national, qui recouvre ses forces et ses droits, ne s'investit plus uniquement sur le plan sécuritaire, mais aussi sur les autres points, qui lui sont plus ou moins liés, partant du constat que l'intégrisme est encore loin d'être vaincu. La politique, en somme, ne se fait ni dans les marchés ni dans les mosquées, et encore moins dans les bouges misérables destinés à sustenter les millions de laissés-pour-compte. Si, depuis deux années, les Algériens ont pu vivre un Ramadan relativement normal, sans attentats terroristes spectaculaires, et avec juste une flambée des prix de quelques jours à peine, il y a fort à parier que les mesures prises ce samedi en conseil des ministres permettront d'améliorer encore plus les choses. Du moins faut-il l'espérer...