Le gouvernement est-il en train de faire une énième concession aux islamistes? Alors que la demande est de plus en plus croissante, notamment dans les Aurès, en Kabylie et au M'zab, très peu de postes budgétaires sont créés. La généralisation de l'enseignement de tamazight s'apparente à un cafouillage. Plus le discours est positif, plus la réalité empire. Le nombre de postes budgétaires très limité qui lui sont réservés (209) et leur affectation aux seules régions kabyles sont là pour en donner la preuve. «Toutes les ressources humaines doivent être mobilisées, à travers la sensibilisation et l'évaluation du travail de recherche, qui doit absolument accompagner notre objectif d'aller progressivement vers la généralisation de l'enseignement de tamazight», a déclaré récemment Mme Benghebrit lors d'un point de presse, en marge de la signature d'un protocole d'accord entre son département et le Haut Commissariat à l'amazighité (HCA). Cette déclaration, largement reprise par les médias nationaux, a laissé entendre que le gouvernement Sellal III était décidé à mettre fin aux tergiversations ayant entouré cette question qui, pourtant, constitue une des revendications les plus appuyées par la société et l'élite algériennes. Rien n'en fut finalement. Entre les discours ressassés ça et là et la réalité: un monde. En effet, alors que la demande est de plus en plus croissante, notamment dans les Aurès, en Kabylie et au M'zab, très peu de postes budgétaires sont créés sous prétexte qu'«il n'y a pas de demande sociale». Mme Nouria Benghebrit, qui a annoncé l'ouverture de 19.262 postes budgétaires pour l'année scolaire 2015-2016, n'a réservé que 209 pour tamazight dont 172 pour la Kabylie, soit 143 pour Tizi Ouzou, 15 pour Béjaïa et 14 pour Bouira, les 37 autres postes étant répartis entre les huit autres wilayas où tamazight est enseigné. En concentrant les postes budgétaires en Kabylie et, particulièrement à Tizi Ouzou, n'est-on pas en train d'aller dans le sens contraire des objectifs proclamés? S'il est vrai qu'il existe une forte demande dans la capitale du Djurdjura, le bon sens n'aurait-il pas été d'ouvrir autant de postes dans les autres wilayas amazighophones et quelques postes dans toutes les grandes villes du pays, particulièrement dans le primaire? Cette démarche ne vise-t-elle pas à confiner tamazight en Kabylie? Décidément l'argument selon lequel il n'y aurait pas d'enseignants de tamazight ne tient plus la route parce que depuis l'ouverture des trois départements de langue et de culture amazighes de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira, ce problème ne se pose plus. Madame Benghebrit est-elle en train de tourner casaque? Si Hachemi Assad, secrétaire général du HCA, qui s'en est fait l'avocat et qui, lui aussi, n'arrêtait pas de répéter que l'enseignement de tamazight devait se généraliser progressivement mais rapidement, va-t-il trouver des arguments pour continuer à se défendre devant une opinion publique de plus en plus sceptique quant à la volonté de l'Etat de conférer un statut véritablement national à tamazight? Le gouvernement, à travers le ministère de l'Education, est-il en train de faire, comme c'est le cas pour bien d'autres questions, une énième concession aux islamistes qui, eux, considèrent que «tamazight est un dialecte sans nul ancrage, un facteur de déstabilisation du pays, voire un prétexte pour ceux qui veulent attenter à l'identité nationale et préparer le retour de la France»?