Organisé par le Haut-Commissariat à l'amazighité (HCA) autour de “Pierre Bourdieu et l'Algérie : fond commun, zone amazighophone et migration”, un colloque s'est ouvert, hier matin, au Crasc d'Oran, et ce, pour une durée de deux jours. Les déclarations de Youcef Merahi, secrétaire général du HCA, faites à l'ouverture des travaux, quant à la situation de tamazight, ne sont pas passées inaperçues. En effet, le point de presse donné par le SG du HCA a été consacré dans sa quasi-totalité à la question de l'enseignement de tamazight et des relations de cette institution avec le ministère de l'Education nationale. “Je suis effaré d'avoir entendu le ministre de l'Education dire à Tizi Ouzou, à propos de l'enseignement de tamazight, que pour le généraliser, il faut du temps ! Je réponds qu'il ne faut pas trop jouer avec le temps”, a déclaré Youcef Merahi, évoquant, par la suite, de manière franche et directe, la situation de tamazight et de son devenir dans notre pays. Il poursuivra en parlant de “l'approche bureaucratique et administrative du ministère de l'Education nationale” quant à l'enseignement de tamazight, reprochant aussitôt au ministère de ne plus prendre en considération la commission mixte qui avait été mise en place avec le HCA qui “n'a pas les outils exécutoires mais qui a ce droit d'être associé lorsqu'il y a une stratégie à adopter”. En fait, cette stratégie du ministère de l'Education nationale de maintenir l'enseignement de tamazight dans une configuration essentiellement “optionnelle et expérimentale”, aujourd'hui, offusque le SG du HCA avec des conséquences préjudiciables. À savoir la fermeture successive de classes de tamazight : “En 1995, il y avait 16 wilayas où l'enseignement de tamazight était assuré. Aujourd'hui, il n'y en a plus que 9. Le nombre d'apprenants, qui est de 240 000, est concentré à 90% en Kabylie.” Et de poursuivre gravement : “Le ministère est en train de kabyliser et ghettoïser l'enseignement de tamazight en lui enlevant son caractère de langue nationale.” Autre question de stratégie pour ce qui est de tamazight, celle de l'utilisation des caractères arabe où tifanigh au lieu des caractères latins, comme voulu par le HCA. “Si, au HCA, nous avons proposé l'utilisation des caractères latins, c'est parce qu'ils ont été codifiés. Mouloud Mammeri a donné une assise scientifique à cette langue, il y a un substrat scientifique indéniable. Quant à l'utilisation des caractères arabe ou tifanigh, c'est tout simplement un choix idéologique”, lâchera l'intervenant. Le SG du HCA conclura que tamazight est une langue nationale faisant partie de l'identité algérienne et il est plus que temps “d'évaluer l'expérience, mener un audit, ne serait-ce que pour mieux orienter les futurs contours de la politique de l'enseignement de tamazight”. Le débat en est ainsi relancé. Quant au colloque sur l'œuvre de Bourdieu consacré à ses travaux sur l'Algérie et les sociétés amazighophones, plusieurs communications importantes, au nombre de 14, vont justement traiter de la relation et des échanges entre Pierre Bourdieu, Abdelmalek Sayad et Mouloud Mammeri, ce qui les rapprochait ou les différenciait.