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Pénurie de main-d'oeuvre au pays des chômeurs
EMPLOI, GLOIRE ET DECADENCE D'UN PAYS
Publié dans L'Expression le 04 - 05 - 2015

Ces jeunes sont-ils malformés ou peu qualifiés pour ne pas trouver un emploi?
Au moment où le taux de chômage est devenu alarmant, les entreprises du bâtiment, travaux publics et autres peinent à trouver une main-d'oeuvre qualifiée pour les centaines de chantiers lancés sur tout le territoire national.
Un problème surréaliste dans un pays où les jeunes souffrent crucialement du chômage. Ces jeunes sont-ils malformés ou peu qualifiés pour ne pas trouver un emploi? Non. Ou c'est tout bonnement la fainéantise pour certains? Les uns, refusent de travailler dans des secteurs qu'ils jugent pénibles comme le bâtiment et l'agriculture. Les autres y trouvent la tâche humiliante.
Les produits de la déperdition scolaire sont le plus souvent ceux qui refusent un travail d'effort. Ils s'orientent le plus vers le commerce libre, l'informel surtout. Il est plus rentable financièrement qu'un travail dans un chantier ou une activité agricole. Mahdi, ce jeune de 23 ans, a préféré installer un étalage de serviettes à la rue commerçante de la rue Gambetta que de travailler sur un chantier. «J'ai travaillé pendant un mois sur un chantier, chez un promoteur immobilier, J'ai cravaché comme un esclave pendant 90 jours, pour un salaire minable de 12.000 DA», nous a-t-il fait savoir. Justifiant l'abandon de ce travail il dira: «certes c'était pénible comme travail, surtout que je commençais à 7h du matin jusqu'à 16 heures. Mais, c'est le fait qu'il n'avait pas l'intention de m'assurer à la Caisse nationale des assurés sociaux (Cnas) qui m'a poussé à quitter».
Travaillant aujourd'hui à son propre compte, Mahdi, vendeur informel, gagne entre 7000 et 8000 DA/jour. Même situation pour les détenteurs de diplômes universitaires. Ceux-là, ne daignent pas travailler dans le secteur du bâtiment ou de l'agriculture. Ils veulent exercer dans leurs spécialités. Se targuant de leur statut de diplômés de l'université, ils préfèrent endurer le chômage que d'avoir un job d'effort. Comme c'est le cas de Sofiane, 27 ans, diplômé de la faculté des sciences économiques, qui vit le chômage depuis huit ans. Il encaisse les mensualités de son Daip en attendant la concrétisation de son projet Ansej cybercafé. Selon lui, toutes les demandes d'emploi déposées, ont été tributaires de l'expérience «comment veulent-ils que l'on acquiert une expérience si l'on ne travaille pas?» s'est demandé le jeune homme.
Ne cachant pas du coup son niet catégorique quant à un travail hors de sa spécialité. C'est là une aubaine pour les migrants vivant en Algérie. Comme c'est le cas pour la wilaya de Annaba, où la main-d'oeuvre asiatique et black commence à envahir le secteur du bâtiment, l'agriculture et autres secteurs. C'est dire que, rarissime est devenue la main-d'oeuvre en Algérie, si bien qu'elle a contraint les entreprises, notamment privées, à recourir à la main-d'oeuvre étrangère pour répondre à leurs besoins. Ce qui explique que les diplômés travaillent rarement dans leur domaine de compétence malgré leur formation. Ainsi, touchant divers secteurs économiques, le manque criard de main-d'oeuvre a, non seulement engendré le retard dans la réalisation des projets du BTP, mais aussi la cherté de certains produits comme les denrées alimentaires.
Sur ce dernier point, l'agriculture en l'occurrence en est le meilleur exemple. Un secteur en détresse et pour cause, le manque dramatique de travailleurs. Il n'y a pas de main-d'oeuvre pour travailler la terre. Ce qui explique la hausse de la facture de l'importation des produits alimentaires de large consommation, les féculents entre autres. Les jeunes d'aujourd'hui veulent gagner de l'argent sans travailler. Contrairement à l'étranger où il n'y a pas de sous-métier pour eux. Les jeunes Algériens acceptent toute sorte de travail: cueillette de vendanges, dans les champs, travaillant comme auxiliaire de construction dans un chantier et autres métiers qu'ils refusent dans leur pays. En Algérie, ils veulent tous devenir patrons et demander des crédits à l'Ansej, Cnac et Anjem. Des dispositifs qui ne sont en réalité que de fausses solutions à de vrais problèmes.
Des résolutions aléatoires qui, faute d'une véritable politique de prise en charge eu égard à cette pénurie de main-d'oeuvre, le risque d'une crise serrait imminent. Si ce n'est déjà le cas au vu de la crise caractérisant plusieurs secteurs.
«Le chômage n'existe pas, c'est plutôt l'habitude de l'assistanat à laquelle les jeunes se sont habitués», dira le professeur Belfaudil H., sociologue. D'ailleurs, il n'y a pas que le bâtiment et les travaux publics ou l'agriculture qui manquent d'ouvriers en Algérie. De nombreux autres secteurs peinent à trouver des personnes qui veulent travailler! C'est le parcours du combattant pour trouver un coffreur, un carreleur, même un informaticien ou un ingénieur. Selon M.GH. A enseignant à l'université Badji-Mokhtar de Annaba, c'est l'Université algérienne qui forme des chômeurs diplômés! «En effet, l'université algérienne dispense des formations inadéquates aux besoins du marché du travail en Algérie», dira-t-il. «D'où, il en résulte une pénurie d'ingénieurs bien qualifiés dans notre pays. Il n'existe qu'une petite poignée d'ingénieurs «formés à des spécialités très diverses et dans des rapports de proportions sans rapport avec les disciplines les plus nécessaires», devait-il préciser. Se référant dans ce sens à la revue Les cahiers du Cread (Centre de recherche en économie appliquée au développement), qui, dans l'un de ses numéros s'est interrogée sur le système universitaire algérien, quant à appuyer peut-être le chômage? «L'université n'arrive pas à répondre aux besoins de l'économie algérienne en ouvriers qualifiés, en techniciens et en ingénieurs. L'Etat lui-même, reconnaît cette triste réalité» a fait savoir à ce propos notre interlocuteur mettant en exergue la volonté du ministre de la Formation professionnelle, M.Noureddine Bedoui qui a, à moult reprises appelé à la valorisation des métiers. Face à cette amère réalité, l'on se demande combien de temps faudra-t-il encore attendre pour adapter, voire ajuster l'enseignement supérieur et la formation professionnelle aux besoins du marché de l'emploi? Une équation qu'il faut, selon plusieurs économistes du département économie de l'université de Annaba, résoudre à l'effet d'éviter des répercussions invisibles d'un chômage pouvant, à n'importe quel moment, déstabiliser le pays.


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