Dans cet entretien, ce chercheur aborde la problématique de l'emploi précaire. Ne pensez-vous pas que l'inadéquation entre formation et emploi amplifie le chômage ? Il y a deux éléments. Les données de l'Anem disent que pour certains postes, on ne trouve pas de qualification. C'est-à-dire que quand l'entreprise s'adresse à l'Anem pour certains métiers, elle ne trouve pas de preneurs. Donc les gens qui détiennent ces qualifications ne sont pas au chômage. Pour moi, c'est là le problème. Il faut former peut-être plus dans certains métiers. Maintenant, le secteur où beaucoup d'entreprises souffrent, c'est le bâtiment. On nous dit qu'il y a des chantiers à l'arrêt parce qu'on ne trouve pas de gens pour y travailler. Là je me demande si en Algérie il nous manque des maçons ? La raison est que les gens ne veulent pas d'un petit travail pour cinq, dix sous et pour un mois. Quand j'ai un métier, je voudrais être recruté. Et le BTP ne recrute pas en permanent. Il recrute en CDD. Je te donne trois mois de travail, le temps du chantier. Quant je prends un autre chantier, dans une autre région, je ne vais pas t'emmener là-bas. Je vais recruter sur place. Voilà où se pose le problème, surtout que le gros de ce qui est offert en termes d'emploi, c'est surtout dans le BTP. Et dans ces métiers-là, l'état a décidé, finalement, de faire venir les étrangers. Maintenant concernant l'université, est-ce que le produit de l'université ne trouve pas d'emploi ? Je dis, oui peut-être, il ne trouve pas d'emploi parce que l'université a une mission de formation universelle. Quant je forme un psychologue, ce n'est pas pour travailler comme psychologue. Si je forme un économiste, le métier d'économiste n'existe pas dans l'entreprise. Il y a des spécialités dans l'entreprise, mais moi je forme un économiste. Avant, chaque grande entreprise avait son école de formation. Un ingénieur qui sort de l'université, même s'il est diplômé en électricité, rentre à Sonelgaz, il n'est jamais mis tout de suite en poste. Il passe six mois à l'école de Sonelgaz pour comprendre l'entreprise et ses problèmes. Donc c'est cette jonction qui manque. Malheureusement, la quasi-totalité de nos entreprises sont de petite taille. Elles ne peuvent pas faire de la formation. Donc elles veulent tout de suite quelqu'un d'opérationnel. Tant qu'on reste avec des TPE de moins de dix personnes, ces entreprises ne vont jamais trouver les profils qu'elles recherchent. Avec tous les dispositifs mis en place par l'état, c'est plutôt le cap vers la création d'entreprises. Où est la place de la création d'emplois productifs ? Là, c'est la grande question sur la stratégie économique. Notre économie, si vous regardez le gros des investissements qui ont été faits, ne l'ont pas été dans le secteur productif. On a privilégié l'infrastructure. Si demain on modifie notre stratégie économique et qu'on dit qu'on veut développer notre secteur productif, que ce soit l'agriculture ou l'industrie, là peut-être cela va changer. Quelle est la place ou la contribution du secteur privé dans la création de l'emploi ? Actuellement, c'est le secteur privé qui est le premier employeur en Algérie. Chaque année, c'est le privé qui est en train de créer de l'emploi. Même si c'est dans le secteur de l'informel, c'est le secteur privé qui est en train de créer de l'emploi en Algérie. L'état se retire de l'économie. L'état ne va plus créer de l'emploi. Déjà, notre Fonction publique pour moi est hypertrophiée. Par rapport aux autres pays et autres économies de même taille, nous avons une Fonction publique hypertrophiée. Trop de personnes. La stratégie qui consisté à dégraisser le secteur industriel dans les années 90, moi j'aurais vu un dégraissage de la Fonction publique. Cela aurait peut-être donné d'autres résultats. On aurait soutenu le secteur productif, mais là il y a eu un moment de passage à vide de l'économie algérienne, et maintenant on espère une nouvelle option qui tendra à aller vers le renforcement de notre tissu industriel. Encourager la création d'entreprise qui va créer de la richesse, non celle qui va consommer nos devises par l'importation. La prédominance des CDD sur le marché du travail suscite des appréhensions. Est-ce que cela est justifié ? Au niveau social, oui. Pour l'Algérien qui a été habitué depuis les années 60 à l'emploi permanent, il y a un ressentiment. On n'a pas été habitué à vivre avec des emplois à temps partiel. Et là, c'est un nouveau mode de travail auquel l'Algérien doit s'adapter. La tendance mondiale est au travail au temps partiel. L'unique pays où il y a plus d'emplois permanents c'est la Suède avec 52%, ce qui est le top. L'Algérie se trouve à la 92e place en termes d'emploi permanent. Donc concernant l'emploi permanent, il faut considérer que c'est du passé. S. S Nom Adresse email