C'est en effet au moment où les cours de l'or noir commencent à reprendre des couleurs que l'Arabie saoudite a choisi de mettre plus de pétrole sur un marché jugé surabondant au point d'en plomber les prix. La belle remontée des prix du pétrole sera-t-elle contrariée par cette nouvelle donne? Les experts sont en tout cas d'accord pour dire que cela constituera très probablement un frein à leur actuelle embellie. La décision de l'Opep de laisser inchangé son plafond de production à 30 millions de barils par jour au plus fort de la dégringolade des prix du pétrole a finalement été transgressée. «Nous estimons que la production de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) devrait augmenter de 125.000 barils par jour et atteindre 30,9 millions de barils par jour, à cause d'une hausse de l'offre saoudienne et d'une reprise des exportations libyennes», ont estimé les analystes de JBC. Y aura-t-il des conséquences? «Il est probable que les gains récents atteignent bientôt un plafond. Le pétrole aura sans doute du mal à se maintenir très au-dessus des 65 dollars», a pronostiqué Ric Spooner, économiste chez CMC Markets à Sydney. «L'Opep a pompé 31,29 millions de barils le mois dernier, stable par rapport à mars, mais quasiment au plus haut depuis novembre 2012», selon l'agence Bloomberg. Le mois dernier, la production de l'Opep est restée à «un niveau suffisamment élevé pour que le marché souffre d'un surplus jusqu'en 2016», a noté l'analyste de Citi, Tim Evans. Une conjoncture qui, en principe, ne doit pas tirer les cours de l'or noir à la hausse. Pour qui l'Arabie saoudite roule-t-elle? Tous les analystes s'accordent à dire que les prix du pétrole sont plombés par une offre surabondante alors que celle du pétrole de schiste américain, qui décline, tend à les soutenir. Or, c'est le moment choisi par le Royaume wahhabite pour mettre plus d'or noir sur un marché saturé. Une situation jugée paradoxale qui n'aura d'autre conséquence que d'affecter les prix. Il faut souligner aussi que cette attitude va à l'encontre de l'offensive diplomatique d'envergure lancée par l'Algérie pour tenter de rééquilibrer les coûts du brut. Cela signifie-t-il que le chef de file de l'Opep s'y désolidarise? Très possible, si l'on estime qu'il a fait souvent cavalier seul dans les moments critiques qu'a traversés le marché de l'or noir. Ses déclarations tonitruantes n'ont servi qu'à enfoncer le baril. «Il n'est pas dans l'intérêt des producteurs de l'Opep de réduire leur production, quel que soit le prix (...). Que ça descende à 20, 40, 50 ou à 60 dollars, il n'est pas pertinent de réduire l'offre», avait déclaré le 22 décembre 2014 le ministre saoudien du Pétrole, Ali al-Nouaïmi, au Middle East Economic Survey (Mees), une revue spécialisée qui fait autorité dans le monde sur les questions du gaz et du pétrole. «Le marché restera sous pression tant que nous ne verrons pas de signes de la part de l'Opep ou en Amérique du Nord et que les niveaux de production vont commencer à baisser, les marchés vont continuer à chercher à toucher le fond» avait rétorqué l'expert Gene McGillian, chez Tradition Energy. Le baril qui a franchi hier les 60 dollars à New York pour la première fois depuis la mi-décembre. Hier, en début d'après-midi, le cours du baril de «light sweet crude» (WTI) pour livraison en juin gagnait 1,67 dollar à 60,60 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex). Le baril de WTI «devrait s'échanger entre 60 et 65 dollars lors des prochains mois, et de plus en plus de gens sont en train d'investir de l'argent dans l'idée que les prix vont monter» a prédit Carl Larry, de Frost & Sullivan. Le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juin valait quant à lui 66,93 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE) de Londres. Une hausse de 47 cents par rapport à la clôture de vendredi. Le marché britannique est resté fermé lundi dernier à l'exception de quelques échanges électroniques, signalait-on. Un pied de nez à Riyadh.