En marge d'un énième remaniement ministériel où les technocrates ont [encore] eu la part belle, se posait la question, combien pertinente, de savoir à quoi servent les partis dits politiques. En réalité, on touchait du doigt les fondamentaux des crises récurrentes auxquelles fait face le pays, lesquelles se caractérisent par le défaut, durable et préjudiciable, d'hommes politiques. En effet, on ne fait pas de la politique sans ces hommes formés pour cet objectif, qui gagnent leur label sur les terrains des luttes politiques (sociales, syndicales, culturelles, économiques, pour les libertés...). Aussi, un parti n'a d'existence «politique» que par le leadership de ses dirigeants, la militance de ses adhérents, son assise populaire. Or, cette qualité d'hommes est tout simplement déficiente en Algérie. En fait, les luttes [sur le terrain] politiques sont quasiment inconnues. En Algérie, ce ne sont pas les mérites politiques d'un leader de parti, ses compétences intrinsèques ou avérées, qui sont prises en compte, il faut surtout avoir l'échine souple, ouvrant la voie à la cooptation à des postes de prestige. Un parti politique est avant tout un agitateur d'idées, qui défend un projet de société, dispose d'un programme politique. Ce programme peut-être le fruit de réflexions internes au parti ou induit par des alliances politiques stratégiques quand des partis se rencontrent sur des objectifs communs, pour accéder aux affaires du pays et de l'Etat. Il y a donc un processus, universel, auquel se plie tout homme qui veut faire de la politique. On ne naît pas politicien, cela s'apprend sur le terrain des luttes politiques. Combien d'hommes dits «politiques», devenus «ministres», ont gagné leur galon sur ce terrain, oh combien ardu, des luttes politiques? Mais, ne jetons pas l'opprobre sur ces seuls hommes qui s'aventurent sur le terrain marécageux de la politique. Il faut aussi mettre en équation la politique de gouvernance suivie par l'Etat algérien qui ne laisse pas beaucoup de choix aux hommes qui veulent faire de la politique. Et le «politique» - dans son acception universelle - «homme d'Etat», a fort peu de chance d'arriver aux affaires de l'Etat. Est-il dès lors étonnant, que le pouvoir en Algérie se soit peu à peu «technocratisé» évacuant les hommes partisans qui foisonnent dans les «associations à caractère politique» (ACP, appellation officielle des partis algériens)? En fait, lesdits hommes politiques nagent comme des poissons dans l'eau dans une situation ambiguë qui leur convient parfaitement. Faut-il s'étonner que lesdits «hommes politiques» ne briguent jamais les charges de maire, car ils savent que la mairie (APC) ne mène nulle part, sinon à l'oubli. Partout dans le monde le maire est un homme politique, un ministrable ou un présidentiable en puissance. Pas en Algérie où ce ministre, un commis de l'Etat, est souvent un wali. Or, être maire d'une ville, a fortiori d'une capitale, est une position éminemment stratégique qui permet à son détenteur de se mettre en réserve de la République. Ce n'est pas le cas dans notre pays. Est-ce qu'on s'est penché sur cette anomalie du parti politique algérien dont la particularité est de tout faire sauf de la politique? Sans engagement politique - avec tout ce que cela induit comme effets sur les personnes et la nation - il ne peut y avoir d'hommes politiques, encore moins de champ politique à l'intérieur duquel se crée et se façonne l'avenir d'un pays. Un homme politique fait des choix politiques clairs - par idéal, idéologie ou pour des objectifs précis - pour la cohérence et la compréhension de son action. Cela pour dire qu'il y a nécessairement interaction entre acteurs et actants et celui (ceux) qui impulse(nt) ou décide(nt) de cette action. Donc, un homme politique est celui qui, responsabilisé, prend des décisions, dans un sens ou dans l'autre, en temps réel - sans attendre l'approbation ou décision venue «d'en haut» - en fonction des cas auxquels il est confronté et de la pertinence nécessitant cette prise de décision. C'est celui-là l'homme d'Etat. Existe-t-il? Un homme politique est donc un homme de terrain qui agit et réagit en temps et lieu et ne le fait pas sur «instruction». Surtout, un homme politique est celui qui négocie son acceptation d'un poste (ministériel ou de responsabilité). Il a un programme et une politique pour le développement global et sectoriel du pays. Un parti qui dispose de ce genre d'hommes est un parti politique. Les autres ne sont que des ACP, dont les fonctionnaires font résonner le bendir. Donc ne servent à rien. Est-il dès lors étonnant que la classe politique algérienne, qui n'a de politique que le nom, se fasse évincer par une technocratie qui a le vent en poupe?