Au quarantième jour des frappes américaines contre les cibles talibanes, la situation autant sur le plan politique que militaire demeure confuse. Peu de progrès ont été enregistrés, ces dernières quarante-huit heures dans les tentatives de trouver un point d'accord entre les parties afghanes. Et cet accord est indispensable afin de pouvoir tenir une réunion devant permettre la formation du premier gouvernement intérimaire afghan. Cependant, les choses sont loin d'aller comme l'avait souhaité le représentant spécial du secrétaire général de l'ONU, Lakhdar Brahimi, qui oeuvre à réunir toutes les factions afghanes, sans exception, seule manière de parvenir à arracher un consensus. Mais après la prise de Kaboul par l'Alliance du Nord, cela n'est plus aussi évident. Les suspicions traditionnelles entre les diverses ethnies ont refait surface et la confiance semble la qualité la moins bien partagée. C'est ainsi que la mouvance royaliste de l'ex-roi Zaher Shah multiplie les mises en garde contre ce qu'elle craint être un «accaparement du pouvoir» par l'Alliance du Nord. Avec à la clé de faire revenir l'Afghanistan à «la situation qui était la sienne en 1992», lorsque les ethnies afghanes, après le retrait de l'armée soviétique, se sont battues à l'arme lourde. Craignant que l'Afghanistan ne replonge dans l'anarchie, un responsable de la mouvance royaliste estime: «Nous sommes presque dans la même situation qu'en 1992», indiquant que «si l'Alliance du Nord essaye encore une fois de monopoliser le pouvoir, une très grande partie du pays va se sentir écartée, frustrée, et cela va donner lieu à de nouveaux conflits» concluant: «J'espère que cela ne se passera pas ainsi, et que la communauté internationale a compris que laisser l'Afghanistan dans le chaos était très dangereux pour le monde.» Pendant que tout le monde conjecture sur l'avenir de l'Afghanistan, l'Alliance du Nord, ne semblant pas faire cas de ces réserves, renforce son pouvoir à Kaboul où est revenu samedi le président Burhaneddin Rabbani. Ce dernier s'est, depuis, attaché à démentir les intentions que l'on prête à l'Alliance du Nord en affirmant: «Nous ne sommes pas venus à Kaboul pour prolonger notre pouvoir. Nous sommes venus à Kaboul pour appeler à la paix.» Le président afghan s'est, en outre, engagé à «tenter de former un gouvernement à large base dès que possible» parce que, a-t-il déclaré, «la victoire sur les taliban n'appartient pas à un groupe ethnique, mais à l'ensemble du peuple afghan». Pendant ce temps, au moment où se confirme la mort de Mohamed Atef, supposé cerveau de l'organisation islamiste Al-Qaîda, les supputations continuent quant au sort d'Oussama Ben Laden, qui demeure introuvable, alors que maintes informations contradictoires circulent à son propos. Ainsi selon l'ambassadeur taliban au Pakistan, Ben Laden «n'est pas dans une région sous notre contrôle», déclarant: «Je ne sais pas où il est. Je ne sais pas s'il est dans d'autres régions du pays ou s'il a quitté l'Afghanistan.» Propos démentis par l'Alliance du Nord selon laquelle Ben Laden se trouverait toujours en Afghanistan, à Maruf, plus exactement, petite ville à une cinquantaine de kilomètres de Kandahar. Le ministre de l'intérieur de l'Alliance du Nord, Younis Qanoon, ajoute: «Il (Ben Laden) dispose de camp d'entraînement là-bas et de bunkers souterrains.» Pour leur part, des forces spéciales américaines déjà sur le terrain procèdent à la recherche de la cache de l'ennemi public n°1 des Etats-Unis. Ces forces encerclent sur 80 km² un terrain de la province de Kandahar où est supposé se terrer le terroriste le plus activement recherché dans le monde.