img src="http://www.lexpressiondz.com/img/article_medium/photos/P150521-06.jpg" alt=""Le cinéma c'est aussi déranger..."" / Much loved, nouveau film de Nabil Ayouch, a été présenté mardi dernier dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs au festival de Cannes. Un film dur, où la prostitution et la misère sexuelle au Maroc sont mises à nu. Des scènes de sexe en veux-tu, en voilà, mettant dans l'inconfort le spectateur qui, malgré lui, se retrouve dans la peau du voyeur. Etait-ce nécessaire? Homosexualité, pédophilie, flics corrompus, tout passe dans ce film qui refuse de faire dans la dentelle mais choisit sciemment d'être cru et cruel pour raconter l'histoire de ces quatre filles qui s'en sortent difficilement et font le tapin pour survivre et faire nourrir leurs familles. Avec une mise en scène bien folle qui rythme les nuits d'enfer de ces filles au langage bien fleuri, le réalisateur Nabil Ayouche signe un film bien audacieux et choquant. Il en parle lors du débat avec le public et répond à nos questions... L'Expression: Sans concession, votre film est bourré de violence, mais porte un regard malgré tout tendre envers ces femmes. Comment est née l'idée de ce film? Nabil Ayouch: Un profond attachement pour les marginaux que je ne saurai expliquer. Et des rencontres quasiment accidentelles de mon entourage proche qui vit à Marrakech, qui avait vu mes précédents films et avait envie de se confier. J'ai pris la voiture, je suis allé les voir. Je me suis entretenu avec elles et j'ai eu envie de revenir les voir ainsi de suite. J'avais envie d'aller chercher leur vérité. Avant le film on a trouvé une improvisation pour faire sortir des choses mais aussi justement aller chercher cette intériorité, pour qu'elles se regardent moins et s'aiment plus. Qu'elles puissent véritablement déployer leurs ailes, c'est-à-dire arrêter de jouer et être tout simplement. C'est un travail qui a duré plusieurs semaines avant le tournage. Cette violence est la manière dont je voulais que le film se fasse, un temps assez court avec beaucoup d'intensité, voire beaucoup de tension... Le regard que vous portez sur les hommes est par contre très dur... Oui, il est très dur certes, mais il est vrai. Ce que j'ai vu et entendu pendant le un an et demi que j'ai passé à préparer ce film est au-delà de ce que vous voyez dans le film. La vie de ces filles est d'une violence indescriptible. Pas seulement à cause de la violence physique ou verbale qu'elles peuvent subir à un certain moment du film mais par une violence liée à une forme d'oppression, d'industrialisation qui en fait véritablement des objets humiliés et seules surtout. Bien sûr, ce regard peut sembler dur. Après je comprends parfaitement. Mais c'est le fruit de la réalité et j'avais envie, même si cela pourrait déranger certains et certaines, que ça fasse se mouvoir d'autres. J'espère en tout cas ouvrir des perspectives et faire prendre conscience de cette réalité-là. Justement, vous n'avez pas peur de choquer ou de heurter certains pays musulmans avec le film qui ne pourrait être diffusé là-bas à cause de ces images? Pays dont l'Algérie, auquel j'appartiens et dans lequel il sera difficile, voire impossible de diffuser ce film... Non, je n'ai pas peur. Je l'ai dit, ce film pourra effectivement heurter certaines sensibilités. Vous savez, il y a des gens qui face à une certaine réalité comme d'autres réalités tout aussi dures dans d'autres domaines, acceptent de voir, de se confronter et puis d'autres qui ne veulent pas et préfèrent mettre leur tête dans le sable. Ils vont commencer à dire: mais pourquoi ce film, pourquoi ce sujet? le monde est comme ça. Moi j'espère que ce film va permettre d'ouvrir, au-delà, des polémiques qui peuvent surgir, peu importe, un véritable débat public, une véritable discussion, chez vous, chez moi, dans le Monde arabe. Vous savez, au-delà du Monde arabe le problème de la prostitution est présent en Europe, aux USA, en Occident. Regardez en France, il y a des lois qui sont en train de passer à l'Assemblée nationale, un jour on doit pénaliser le client, un jour on doit pénaliser la prostitution, on est dans une problématique qui choque, qui interpelle, beaucoup de gens dans le monde, donc forcément ça dérange. Je pense que c'est aussi le rôle du cinéma: déranger.