La France renoue avec la Palme d'or On se serait cru au départ aux Césars puis aux Oscars, tant le palmarès hétéroclite soit-il, pouvait dérouter cette année, éclipsant certains noms qui ont pourtant brillé ne serait-ce par leur jeu d'acteur... C'est avec un hommage à Jean Zay, figure de la résistance et fondateur du festival que la cérémonie de clôture fut ouverte. Lambert Wilson a accueilli en musique sur la scène du Grand Théâtre Lumière les remettants et les lauréats. C'est à l'actrice belge Cécile de France qu'est revenu l'honneur de remettre la Palme d'or au meilleur des 19 films en compétition. La France s'en sort vainqueur lors de cette nouvelle édition du festival de Cannes. Après La vie d'Adèle de Abdellatif Kechiche c'est au tour de Jacques Audiard de reçevoir la Palme d'or, avec son film Dheepan sur des réfugiés sri-lankais en France et leurs mésaventures teintées de violence sur fond de tendresse. C'est donc un film fortement d'actualité comme nous l'avions suggéré dans notre précédent article qui a été primé cette année par le jury présidé par les frères Coen. Un sujet qui parle aux Français car les concerne tous, tant le rapport avec l'Autre s'avère être le coeur du sujet, a fortiori lorsqu'il s'agit de la politique de l'immigration en France qui n'a de cesse de faire parler d'elle. Un film tout de même prenant, qui développe un discours assez réaliste envers l'humanité tout en plaidant pour l'altérité et le mélange des cultures, mais surtout pour la paix. Sans doute a-t-il plu pour cela. Tout comme Vincent Lindon, Prix d'interprétation masculine dans le film La loi du marché de Stéphane Brizé où il incarne le rôle d'un homme au chômage qui se bat pour trouver du travail. «C'est la première fois que je reçois un prix d'interprétation. C'est l'un des trois plus beaux jours de ma vie» a confié le célèbre acteur de l'étudiante, ému... et de dédier son prix «aux citoyens laissés pour compte», estimant que ce prix était «un acte politique». La France, encore du côté de l'interprétation féminine pour Emmanuelle Bercot, sublime dans son rôle de la femme abandonnée dans le nouveau film de Maiwenn, Mon roi. Un jeu d'actrice formidable et un prix qui fera taire à tout jamais certaines mauvaises langues qui qualifieront de «mauvais choix de casting» cette femme qui elle-même avait reconnu lors de la conférence de presse le challenge qu'elle se donnait en interprétant ce rôle qui finissait par des bleus sur le corps avec un travail physique intense sur le plateau de tournage. «Ce prix récompense l'audace, le sens aigu de la liberté de Maïwenn», déclaré l'actrice qui interprète le rôle d' une avocate qui se souvient de la passion destructrice qu'elle a vécue pendant dix ans avec Georgio (Vincent Cassel), un séducteur et beau parleur. Un prix amplement mérité pour ce film plein de punch malgré son goût quelque peu pour la mélancolie et le déhanchement mais avec une forte dose de vitalité et maturité au final. Ce Prix d'interprétation féminine sera remis ex-aequo à l'actrice américaine Rooney Mara qui se fait séduire dans les années 1950 par une femme bourgeoise, à savoir Cate Blanchett dans Carol de l'Américain Todd Haynes. Le Grand Prix est revenu à Son of Saul (Le fils de Saul) du Hongrois Laszlo Nemes, film sur la Shoah. «Ce continent est encore hanté par le sujet», a souligné le réalisateur en recevant son prix. Le Prix du Jury a été décerné quant à lui au Grec Yorgos Lanthimos pour The Lobster, fable grinçante et dérangeante sur la solitude, le couple et l'amour. Le prix de la mise en scène a été attribué au cinéaste taïwanais Hou Hsiao-Hsien pour The Assassin, histoire d'une vengeresse dans la Chine du IXe siècle, à l'esthétique avérée. Le réalisateur mexicain Michel Franco a reçu pour sa part le Prix du scénario pour Chronic, portrait tout en retenue d'un infirmier, interprété par Tim Roth, totalement dévoué à l'accompagnement de patients en fin de vie. Notons que la cinéaste Agnès Varda, émue aux larmes à l'évocation de son ex-compagnon Jacques Demy, a obtenu une Palme d'honneur pour sa carrière. S'agissant des courts métrages, il est bon de signaler que la Palme d'or est revenue à Waves 98 Ely Dagher. La Caméra d'or à a été décerné à La tierra y la sombra réalisé par César Augusto Acevedo présenté dans le cadre de la Semaine de la critique. Le film de clôture La Glace et le Ciel de Luc Jacquet, a été projeté à l'issue de la cérémonie. Si cette année d'aucuns sentent l'essoufflement du festival de Cannes, il reste les films qui continuent à vous émouvoir et vous faire croire en la vie, à l'espoir, malgré le mal qui nous entoure. A s'émouvoir surtout des petites choses insignifiantes qui comptent malgré tout et vous poussent à croire. Car la foi c'est en soi l'essentiel...C'est en cela que le jury a pu sans doute porter son regard en tranchant, laissant au bout du compte la perfor-mance de côté au détriment de l'émotion simple et pure, même si celle-ci découle forcément de l'Autre. L'on se comprend...