Voilà une nouvelle qui va faire retourner sûrement le vieux Malthus dans sa tombe et qui amènera certainement un sourire coquin dans la moustache en bataille d'Hitler. C'est aussi la nouvelle qui va faire redresser tous les torses xénophobes et tatoués de la croix gammée de Saxe et de Thuringe: une anonyme mais désormais célèbre citoyenne du Brandebourg vient de donner naissance dans une morne maternité de Berlin à des quadruplés dans un pays qui était donné comme vieillissant, sans ressort et ouvert à l'immigration du Sud, de l'Est et de l'Ouest. L'événement aurait simplement pu figurer dans un entrefilet d'une revue féminine ou dans la rubrique des félicitations d'usage prodiguées par l'entourage de l'heureux couple, mais il vient de faire le sujet principal de la chaîne de télévision, RTL, chaîne patriotique mais à sensation en raison de l'âge vénérable de la mère qui a dépassé depuis longtemps celui fatidique de la ménopause et de la retraite. Bien sûr, il ne faut pas que les Prussiens se dressent sur leurs ergots et que les uhlans poussent leur cri de guerre guttural d'avant chaque assaut, parce qu'il faut préciser que la digne Teutonne de 65 ans qui vient d'accoucher de quatre prématurés, trois garçons et une fille placés en couveuse, après une grossesse de seulement 26 semaines, avait subi une insémination artificielle en Ukraine: voilà un coup de publicité gratuit pour les fertilisants ukrainiens qui ne donnent pas de bons résultats que dans la céréaliculture. L'autre fait étonnant est que cette respectable sexagénaire (sans jeu de mots!) est devenue mère pour la 17e fois: elle était déjà mère de 13 enfants et grand-mère de 7 petits-enfants. L'autre détail qui peut paraître déroutant est que la digne grand-mère était versée dans les langues (comme quoi, contrairement à ce qu'on dit, l'utilisation des langues - étrangères - peuvent favoriser les naissances car Annegret Raugnik est professeur d'anglais et de russe), comme quoi, Pouchkine et Emily Brontë peuvent faire bon ménage... Mais ce que ne rapporte pas la dépêche, c'est l'état d'esprit du père qui voit ainsi sa famille dilatée de 30% et son espace vital rétrécir dans les mêmes proportions. J'ignore personnellement le niveau de prestations sociales dont pourra bénéficier la famille très nombreuse, mais on peut augurer qu'au pays de Marx et Engels, ils seront à l'abri du besoin. On ignore aussi la quantité de roses et de tulipes que la clinique nimbée d'une nouvelle réputation a pu recevoir de la part de gens réputés à exprimer leurs vertus civiques dès qu'ils en ont l'occasion. Le Guinness des records a bondi aussitôt sur l'information pour la classer en tête des sexagénaires-sans jeu de mots- à donner naissance à des quadruplés. Mais cet évènement va bouleverser tous les sombres pronostics faits par des démographes pessimistes qui annonçaient avec la peur au ventre qu'à l'horizon du milieu de ce siècle, les musulmans seront majoritaires au pays de Luther. Cette avalanche de naissances aura certainement un effet stimulant sur beaucoup de couples qui ont préféré jusqu'ici mener une vie consacrée aux plaisirs égoïstes que peuvent dispenser les loisirs de la culture et du culte du corps avec en corollaire toutes les précautions conseillées par les partisans du planning familial. Il faut aussi prévoir que cette impulsion qui fera redresser à coup sûr la courbe des naissances, donnera un coup de fouet à toutes les industries possibles qui subiront un effet d'entraînement: biberons, poussettes, vaccins, laitages, textiles, écoles, enseignement... car il faudra nourrir, éduquer, transporter, soigner et loger toute cette nouvelle génération qui n'aura pas besoin de «lebensborn» pour revivifier la nation de bons Aryens.