Ce serait une erreur de croire que les pouvoirs publics devraient tout abandonner au secteur privé. Depuis l'ouverture du marché national et les réformes engagées par l'Etat, la privatisation des entreprises, tous secteurs confondus, ne cesse d'alimenter les débats aussi bien au sein des cercles officiels qu'au niveau de la population, première concernée par les retombées de cette restructuration. Ainsi, si la privatisation des entreprises industrielles est devenue quasi inévitable de par les accords signés avec l'Union européenne et la prochaine adhésion l'Algérie à l'OMC, il n'en est pas de même pour certains secteurs névralgiques d'utilité publique. La prestation des services de santé, l'éducation et autres font l'objet de grandes polémiques en Algérie où on tente de mettre en opposition les services publics et les privatisations à grande échelle. Or, lors de la présentation des grandes lignes de la loi de finances 2005, le grand argentier du pays, M.Abdelatif Benachenhou, a fait de la rationalisation de la dépense budgétaire son cheval de bataille. Se voulant conforme aux doctrines de l'économie de marché, le ministre des Finances a longuement insisté sur ce que doit être désormais le rôle de l'Etat, son champ d'action ainsi que son degré d'intervention. En outre, lors de la dernière conférence de presse, animée au siège de son département, M.Benachenhou a soutenu que «l'Etat doit cesser de dépenser là où les autres peuvent le faire à sa place». Il ne faudra pas trop compter aussi sur l'Etat, a indiqué le ministre, dans le financement coûteux de grands projets. Est-ce à dire que l'Etat se désengagera de la construction des écoles, hôpitaux, etc.? L'idée est rejetée d'un revers de main par le conférencier qui a rappelé qu'un kilomètre d'autoroute coûte entre 3 et 10 millions de dollars, «ce qui représente l'équivalent de 8 lycées de 1000 places chacun». D'ailleurs, Jean-Luis Sarbib, nouveau vice-président au développement humain de la Banque mondiale estime qu' «il est indispensable de fournir aux démunis ( pauvres) des services vitaux, comme la santé et l'éducation, si l'on veut faire des progrès rapides en matière de développement humain car, à elles seules, les dépenses publiques ne suffisent pas». Le même ancien vice-président de la banque pour la région du Moyen-Orient et l'Afrique du Nord (Mena) ajoute «la région du Mena dépense pour l'éducation publique plus que toute autre région en développement. Or, on enregistre dans cette région les taux les plus élevés d'analphabétisme chez les jeunes. Les chances pour une fillette, de la région Mena, analphabète sont égales à celles d'une fillette d'Afrique subsaharienne, une région bien moins riche». Pourtant, certaines langues n'hésitent pas à crier haut et fort que l'Etat aura beaucoup à gagner en cédant certains secteurs de prestation de services au privé beaucoup plus à même de répondre favorablement aux attentes des citoyens. Une affirmation que la Banque mondiale réfute dans son «rapport sur le développement dans le monde pour 2004». Tout en reconnaissant l'existence de problèmes au sein des services publics, le rapport estime que ce serait une erreur de conclure que les pouvoirs publics devraient tout abandonner au secteur privé. Selon le rapport, «aucun pays n'a pu améliorer la qualité de l'éducation primaire ni réduire la mortalité infantile sans l'intervention et l'aide du gouvernement». Pour les rédacteurs du rapport, «la participation du secteur privé à la santé, l'éducation et les infrastructures n'est pas sans poser de problèmes, surtout lorsqu'il s'agit de fournir ces services aux pauvres». De ce fait, la position radicale selon laquelle «le secteur privé devrait s'occuper de tout est loin d'être souhaitable» conclut le rapport. Au sujet de recommandations émises par des bailleurs de fonds, selon lesquelles il ne faut plus accorder d'aides aux gouvernements en raison de la mauvaise prestation de services offerte, Ritva Reinikka, codirectrice du rapport et directrice de recherche sur les services publics à la Banque mondiale, avertit que ce serait une erreur. «De nombreux travaux de recherche confirment que l'aide produit de bons résultats dans les pays dotés de politiques et d'institutions efficaces et celles-ci connaissent une nette amélioration», souligne Mme Reinikka. En outre, le rapport soutient que lorsqu'il y a amélioration des institutions et des politiques, il faut augmenter l'enveloppe d'aide - et non la réduire - afin d'atteindre le but commun qui est la diminution de la pauvreté conformément aux objectifs de développement pour le millénaire, tel que préconisé par le PNUD. Cependant, le rapport rappelle qu'augmenter les dépenses publiques, sans exiger un meilleur rendement de celles-ci, ne produira pas nécessairement des bénéfices substantiels. Pour ce faire, le rapport met l'accent sur le rôle de l'information qui peut à la fois stimuler l'action publique et le changement, et contribuer à la mise au point de réformes efficaces.