Après les sourires protocolaires, les chefs des deux grandes puissances américaine et chinoise, Barack Obama et Xi Jinping, se mesurent dans un bras de fer en mer de Chine Les Etats-Unis et la Chine ont échangé mises en garde et admonestations ce week-end lors d'un sommet sur la sécurité en Asie au sujet du contrôle de zones stratégiques en mer de Chine méridionale. Les Etats-Unis, mais aussi des pays riverains disputant la souveraineté de ces zones sur cette voie maritime de première importance, reprochent à Pékin son agressivité et des opérations d'aménagement les mettant devant le fait accompli. Lors d'une conférence à Singapour réunissant de hauts responsables militaires, le secrétaire américain à la Défense Ashton Carter a accusé samedi la Chine de n'être «pas en phase avec les règles et les normes internationales». Le point de tension se situe actuellement dans les îles Spratleys, un vaste archipel corallien de la mer de Chine méridionale s'étalant sur environ 410.000 kilomètres carrés. Elles sont situées sur un carrefour de routes maritimes stratégiques pour le commerce mondial et recèlent potentiellement d'importantes réserves d'hydrocarbures. Les îles (dont la plus grande mesure 1,3 kilomètre de long, si l'on ne prend en compte que les îles «naturelles») sont revendiquées pour tout ou partie par la Chine, le Vietnam, les Philippines, Brunei, Taïwan et la Malaisie. Or Pékin, qui revendique ses droits sur la quasi totalité de la mer de Chine, y mène d'énormes opérations de remblaiement, transformant des récifs coralliens en ports et en infrastructures diverses, et les pays de la région redoutent un coup de force du géant chinois. Voici quelques jours, l'armée chinoise a sommé un avion de surveillance P-8 Poseidon de la marine américaine de quitter la zone en question, qu'il survolait. Mais l'équipage a ignoré l'injonction. «Il ne devrait pas y avoir de méprise: les Etats-Unis voleront, navigueront et opéreront partout où les lois internationales le permettent, comme les forces américaines le font dans le monde entier», a prévenu Ashton Carter. M.Carter a reconnu que d'autres pays avaient développé des avant-postes dans la zone, à des échelles diverses, y compris le Vietnam avec 48 avant-postes, les Philippines avec huit, la Malaisie avec cinq et Taiwan un. «Cependant, un pays est allé beaucoup plus loin et beaucoup plus vite que n'importe quel autre. Et c'est la Chine», a-t-il affirmé, appelant à «un arrêt immédiat et durable des travaux de remblaiement par tous ceux qui revendiquent» la souveraineté sur l'archipel. Hier, l'amiral Sun Jianguo, chef d'état-major général adjoint de l'Armée populaire de libération (APL), a minimisé les tensions et balayé les accusations américaines. «La situation en mer de Chine méridionale est dans l'ensemble sereine et stable, la liberté de navigation n'a jamais été entravée», a-t-il affirmé au cours de ce même dialogue annuel du Shangri-La. «La Chine a réalisé des travaux sur certaines îles et récifs en mer de Chine méridionale principalement dans le dessein d'améliorer le fonctionnement de ces îles et récifs et les conditions de vie et de travail des personnels qui y sont stationnés», a-t-il ajouté. L'amiral Sun a répété la position des autorités communistes selon lesquelles la souveraineté de Pékin sur ces zones est «indiscutable» et s'appuie sur des «arguments historiques et juridiques». En outre, a-t-il ajouté, la Chine joue un rôle positif en faveur «de la paix et de la stabilité de la région et du monde». Ces chantiers de développement permettent à la Chine «de mieux assurer ses responsabilités et obligations internationales dans le domaine du sauvetage en mer, de la prévention des catastrophes et l'aide humanitaire, la recherche scientifique maritime, l'observation météorologique, la protection de l'Environnement, la sécurité de navigation, la pêche et les services», a détaillé l'amiral. Dans un entretien au Wall Street Journal ce week-end, l'ambassadeur de Chine aux Etats-Unis, Cui Tiankai, a regretté la rhétorique vindicative de Washington qui selon lui menace de «déstabiliser» la région. Le ministre malaisien de la Défense, Hishammuddin Hussein, a dit craindre que ces contentieux ne finissent par déclencher «un des conflits les plus meurtriers de notre temps, sinon de l'Histoire». Il a adjuré les parties concernées à adopter «un code de conduite», une proposition défendue par la Maison-Blanche.