Il s'agit là d'une juste récompense pour cette dame, auteur consacré, de la littérature universelle. Même si l'Académie suédoise ne laisse rien filtrer pour le moment sur son choix quant au lauréat 2004 du Prix Nobel de littérature celui-ci pourrait s'écrire au féminin. En effet les conjectures vont bon train, de nombreux observateurs estimant que le Nobel 2004 récompensera cette année une femme. Dans cette hypothèse, la romancière, poétesse et réalisatrice algérienne, Assia Djebar, est sans aucun doute parmi les mieux placées en dépit des fortes concurrences de l'Américaine, Joyce Carol Oates, et de la Danoise, Inger Christensen. Il semblerait ainsi que cette année le prix Nobel de littérature serait féminin comme l'a été l'an denier le Nobel de la paix attribué à l'Iranienne Shirin Ebadi. Une telle distinction ne serait que juste récompense pour cet auteur universel qui consacra son oeuvre romanesque à la cause féminine. De fait, une telle issue serait en quelque sorte un coup de pouce aux démocrates algériens au moment où sont débattus les amendements du code de la famille. Pourtant l'Académie suédoise n'a que rarement récompensé une femme de Lettres: neuf seulement ont obtenu la prestigieuse récompense depuis la création du prix en 1901.La première lauréate fut Selma Lagerlöf en 1909 et la dernière, la Polonaise Wislawa Szymborska, récompensée pour son oeuvre poétique en 1996.Les années 90 furent les plus fastes pour les femmes, car avant la poétesse polonaise, les romancières sud-africaine Nadine Gordimer et afro-américaine Toni Morrison avaient été distinguées, respectivement en 1991 et 1993. Fatma-Zofra Imalayen, issue d'une grande famille cherchelloise est née en 1936 à Cherchell. A l'âge de 20 ans elle publie son premier roman «La soif» en 1957, en pleine guerre de Libération nationale, sous le nom de plume d'Assia Djebar qu'elle n'a jamais plus abandonné. Son engagement envers les causes justes telles que l'action collective pour le changement pacifique, l'amélioration de la condition des femmes et la lutte contre le patriarcat, lui a valu le respect dans le monde entier. Personnalité littéraire de renommée mondiale, lauréate en 1996 du prestigieux Neustradt International Prize for litterature, elle reçut de nombreux et prestigieux prix dont le dernier, en juin 2002, fut le Prix de la Paix qui lui a été décerné par les libraires et éditeurs allemands. Lors de la cérémonie de remise du prix, elle a réaffirmé son combat pour la liberté en déclarant: «J'en ai l'espoir tenace, les femmes en Algérie, par leurs souffrances et leur parole de vérité, nous libérerons de l'étau de ces années terribles», avant d'ajouter modestement: «Je crains que cette prestigieuse distinction ne me fasse chanceler sous son poids symbolique». La consécration d'Assia Djebar, dont l'écriture nomade fait oeuvre de résistance, viendrait couronner la littérature algérienne après que feu Mohamed Dib ait raté de peu le prix Nobel, qui aurait été le deuxième arabe consacré, après Naguib Mahfoud. En outre, cette distinction sera une autre motivation pour celle qui a toujours su dire «Non» à toute forme d'oppression. Pour Assia Djebar écrire, c'est d'abord récréer par la langue le mouvement irrépressible du corps. «Je crois que ma langue de souche, celle de tout le Maghreb, je veux dire la langue berbère, celle d'Antinéa, la reine des Touaregs où le matriarcat fut longtemps de règle, celle de Jugurtha qui a porté au plus haut l'esprit de résistance contre l'impérialisme romain, cette langue donc que je ne peux oublier, dont la scansion m'est toujours présente et que pourtant je ne parle pas, est la forme même où, malgré moi et en moi, je dis «non»: comme femme, et surtout, me semble-t-il, dans mon effort durable d'écrivain» a-t-elle toujours défendu. Assia Djebar a écrit plus d'une douzaine de romans qui ont été traduits en quinze langues dont l'arabe, le turc, le russe, l'allemand, l'anglais, le norvégien et le chinois.