L'ex-gloire de l'équipe du FLN s'est confiée à notre quotidien au sujet de la situation de notre football. Pour connaître la situation du football national, il vous faut demander l'avis de ceux qui ont connu ses heures de gloire. C'est à ce prix seulement que vous saurez combien est grand le fossé qui nous sépare des épopées de Tokyo, de Gijon, ou encore des glorieuses pages de l'équipe de l'Aln. Rachid Mekhloufi est de cette trempe de joueurs sur lesquels le temps n'a pas d'emprise. Joueurs, ils défrayaient la chronique, tenant le haut du pavé, à leur retraite, ils deviennent des références, des avis très écoutés. Parti de l'USM Sétif, Mekhloufi avait réussi à éclabousser de sa classe ses coéquipiers du bataillon de Joinville, ce qui lui avait permis d'être sélectionné en équipe de France pour la coupe du monde de 1958. Mais l'appel de la patrie étant plus fort, il avait préféré tout plaquer pour rejoindre d'autres compagnons à Tunis et de devenir un ambassadeur de l'Algérie révolutionnaire. Après l'indépendance, il donnera au football national une autre dimension en offrant à l'Algérie sa première distinction mondiale en remportant la médaille vermeille des Jeux méditerranéens de 1975 d'Alger avant de participer à la mise en oeuvre de l'EN en 1982. Aujourd'hui retiré en Tunisie, il est sollicité, en sa qualité d'expert, par la Fifa et la CAF pour des séminaires organisés aux quatre coins du globe. Pour connaître son avis sur l'évolution de notre football et sur les causes de sa déliquescence, nous l'avions contacté pour nos lecteurs. L'Expression: Comment va M.Rachid Mekhloufi et comment a-t-il vécu la défaite face au Gabon? Rachid Mekhloufi : Je vais bien hamdoulillah. La défaite face au Gabon, je l'ai vécue amèrement. Elle était prévisible, car aucun travail de fond n'a été réalisé. On s'est contenté de replâtrage au point de devenir des proies faciles pour des équipes de faible gabarit comme le Gabon, le Niger ou encore le Tchad. Notre football souffre de ses hommes et on continue de foncer tête baissée vers l'inconnu. Que faut-il alors faire pour remédier à la situation? Nous avons perdu des milliards pour terminer dans l'abîme. La solution n'est pas de confier l'EN à un entraîneur étranger. Vous voyez le résultat comme je l'avais déjà dit. En ramenant Leekens et Pauwels puis Waseige, nous n'avons fait que retarder une échéance et une chute irrémédiable. Pire encore, nous avons perdu des milliards qui auraient pu nous servir à la formation. La solution passe par une refonte totale de notre football et des structures en charge de sa gestion. Il faut des programmes cohérents et surtout des hommes à principe capables de mener les réformes à leur terme. Vous voyez le résultat au niveau des clubs, seule la JSK peut à l'heure actuelle rivaliser avec les ténors du continent. J'ai été très peiné par les larmes de Madjer à l'occasion de son passage à El jazeera. Cet homme a été victime d'une hogra caractérisée. On l'a poussé au départ pour des propos qu'il n'avait pas tenus et quand Leekens avait tenu les mêmes propos, on avait fermé l'oeil, pourquoi? Selon vous la solution passe par le recrutement d'un entraîneur algérien? Oui, mais ce n'est qu'un élément concourant à la remise à flot de notre football. Madjer, Khalef ou Dahleb sont des hommes à poigne et à principe, mais il faut aussi leur créer un environnement et des conditions saines de travail. Pour cela, l'intervention du président de la République ne serait pas de trop. En sa qualité d'ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, il peut apporter des éléments de la solution. Quels sont ces éléments de la solution? Des hommes et une démarche cohérente expurgée de tout populisme. En 1975, des décisions énergiques ont été prises et vous avez vu le résultat. Par la suite, avec l'apparition de l'ère du replâtrage, on a plongé. On a laissé partir la sève de notre football et aujourd'hui on se lamente. En 1979, à l'issue de la coupe du monde juniors, Yahi avait été classé meilleur jouer ex aequo avec Maradona. Vous avez vu le parcours d'El Pibe et celui de Yahi, c'est dommage. C'est un travail qui doit se faire à la base, au niveau des clubs? Oui et le fait de confier des postes de responsabilités à des anciens joueurs comme cela s'est fait à l'ESS, l'USMA, la JSK, le MCO ou encore le NAHD est une bonne chose. Il faut impliquer les anciens dans la gestion du football. Et si on vous faisait appel à la FAF? Mekhloufi n'a jamais refusé l'appel de la patrie, seulement aujourd'hui les données ont changé. Je ne viendrai que quand il y aura une démarche cohérente, un plan réfléchi, des moyens mobilisés et des objectifs raisonnables définis. Je n'aime pas la gabegie, c'est ce qui avait motivé mon refus de prendre à l'époque la DTN. C'est pourquoi je dis que l'intervention du premier magistrat du pays est souhaitée pour définir les objectifs à atteindre et inviter chacun à prendre ses responsabilités. Un dernier mot pour conclure? Tous les efforts doivent converger vers une refonte du football et de ses structures. Les solutions de facilité et les demi-mesures ont fait beaucoup de mal à notre football. Il faut prendre le taureau par les cornes et prendre les mesures qui s'imposent.