Les musulmans en France doivent «nommer l'ennemi», a jugé hier à propos des groupes jihadistes et de l'extrémisme radical le Premier ministre Manuel Valls, en ouvrant cinq mois après les attentats de Paris un dialogue formel avec la deuxième communauté confessionnelle du pays. «Il faut le dire, tout cela n'est pas l'islam», a lancé Manuel Valls, citant «les discours de haine, l'antisémitisme qui se cache derrière l'antisionisme et la haine d'Israël, les prédications funestes, les imams autoproclamés qui dans nos quartiers, nos prisons, font l'apologie de la violence, du terrorisme, qui participent de cette entreprise criminelle, qui font partir des centaines de jeunes au jihad». Le Premier ministre s'exprimait devant plus de 120 responsables de fédérations, recteurs de mosquées, imams, aumôniers, théologiens, islamologues et personnalités de la société civile réunis au ministère de l'Intérieur pour une première demi-journée de débats. Il s'agit de «faire la démonstration pour le monde entier que la France et l'islam sont pleinement compatibles», a insisté Manuel Valls. Dans le même temps, il a reconnu que «l'islam suscite encore des incompréhensions, des a priori, du rejet chez une partie» des Français, «des amalgames dont vous êtes victimes». La communauté musulmane en France compte quelque 5 millions de membres, pratiquants ou non. Depuis les attentats jihadistes de janvier (17 morts), elle a constaté une recrudescence d'actes de malveillance à son endroit. «Je ne veux plus qu'on se sente accusé d'être complice d'actes, qu'on n'a jamais voulus, ni soutenus bien sûr!», a dit le Premier ministre à propos des «amalgames» survenus après les attaques jihadistes contre des journalistes, des policiers et des juifs commises par trois jeunes musulmans français. «Cette instance nécessaire est pour nous l'occasion d'exprimer notre malaise face aux amalgames», lui a répondu le président sortant du Conseil français du culte musulman (CFCM), Dalil Boubakeur. Parmi les thèmes abordés lors du séminaire de travail hier devaient figurer la sécurité des lieux de culte et l'image parfois dégradée de l'islam dans les médias et l'opinion publique. La construction et la gestion des lieux de culte musulmans (2.500 actuellement, 300 mosquées en projet) devait aussi être évoquée. Comme les pratiques rituelles, la certification du halal, le nombre insuffisant d'abattoirs, les éventuels abus financiers liés au pèlerinage à la Mecque (hajj) ou le manque de carrés musulmans dans les cimetières. L'objectif du gouvernement est avec ce dialogue de «réunir un forum d'échanges régulier» - une à deux fois par an - entre l'Etat et les musulmans.