Aujourd'hui à Paris, au ministère de l'Intérieur, en présence du Premier ministre Manuel Valls, plusieurs dizaines de responsables de fédérations, recteurs de mosquée, imams, aumôniers, théologiens, islamologues et personnalités de la société civile participeront à une demi-journée de débat en présence des représentants des pouvoirs publics. Cette instance de dialogue se réunira une fois par an afin de débattre des sujets de préoccupation des musulmans face à la République. En vrac, on peut citer notamment les actes antimusulmans qui se développent ces derniers mois comme jamais et leur corollaire : la sécurité des lieux de culte. Le sujet des aumôneries musulmanes dans les prisons sera abordé, ainsi que celui ces carrés musulmans dans les cimetières et celui de la certification halal. Bien sûr, les thèmes qui créent une certaine fracture dans la société française — comme le port du voile et plus généralement l'expression visible de la religion dans la sphère publique et professionnelle — seront discutés. On devra alors parler du regard de la société sur les musulmans dans un contexte de terrorisme mondial. Si la perception de l'islam s'est dégradée, toutes les récentes études d'opinion laissent entendre qu'il y a plutôt une compréhension sociale vis-à-vis des musulmans, malgré les attentats sanglants de janvier et l'avancée inquiétante de l'organisation terroriste Daech en divers point de la planète. Les ministres de l'Intérieur successifs, depuis une vingtaine d'années, ont tenté d'organiser un interlocuteur crédible auprès des autorités. Bernard Cazeneuve, actuel titulaire du portefeuille ministériel qui englobe la question des cultes, s'est pourtant défendu de vouloir susciter la création d'une nouvelle instance qui suppléerait à l'interlocuteur actuel de l'Etat : le Conseil français du culte musulman (CFCM), actuellement présidé par Dalil Boubakeur. «C'est un forum pour récréer le dialogue, pas un Parlement qui prendra des décisions», insiste-t-on malgré tout au ministère de l'Intérieur, cité par l'agence Reuters. «Il faut faire son deuil à court terme de l'idée que l'Etat pourrait organiser une représentation unifiée.» L'actualité de ces dernières années avait cependant démontré des difficultés croissantes pour le CFCM, créé en 2003, d'être reconnu comme représentant par nombre de tendances multiples présentes sur le sol français. Le positionnement face aux faits de société, dans lesquels l'islam est mêlé, n'entraîne pas toujours l'assentiment général, certains reprochant à l'instance des positions insuffisamment tranchées. Cette structure, élue par les associations cultuelles avait eu beaucoup de difficultés à être renouvelée lors du dernier scrutin en 2013. Signe de la rupture, un Conseil théologique musulman de France (CTMF) a été créé fin mai, affirmant agir pour «aider les musulmans français à vivre pleinement à la fois leur citoyenneté française et leur religion, à travers essentiellement la consécration du recours aux positions médianes, dans la pratique et le rapport aux autres». Preuve du basculement vers une autre représentativité, même s'ils s'en défendent, les neuf membres fondateurs, dont beaucoup sont issus de l'Union des organisations islamiques de France (autour de Ahmed Jaballah) appellent «l'ensemble des imams, prêcheurs et savants (musulmans) de collaborer avec le CTMF, de soutenir ses initiatives et de participer à ses projets et à ses travaux dans le but de servir l'intérêt des musulmans et de la société dans son ensemble».