L'attentat-suicide contre une mosquée sunnite dimanche a accentué ce qui apparaît désormais comme une guerre intercommunautaire. Depuis plusieurs mois, le Pakistan vit au rythme plus ou moins régulier des attentats et contre-attentats entre les communautés sunnites (80% de la population) et chiite (15%) qui se livrent à des attaques en règle, notamment contre les lieux de prière, comme cela a été le cas de l'attentat-suicide de dimanche contre une mosquée sunnite à Lahore (est du Pakistan) qui s'est soldé par la mort de quatre personnes et plusieurs blessés. Mercredi 7 octobre c'est un rassemblement de militants sunnites à Multân (centre du Pakistan) qui a fait l'objet d'un attentat terroriste qui a fait 41 morts et plus d'une centaine de blessés. Ces militants islamistes se recueillaient à l'occasion du premier anniversaire de l'assassinat d'Azam Tariq, leader du parti islamiste, interdit Sipah-e-Sahaba Pakistan (SSP), considéré comme l'ordonnateur de l'assassinat de plusieurs chiites. Quelques jours auparavant, le 1er octobre, un homme se fait exploser à l'intérieur d'une mosquée chiite à Sialkot (est du Pakistan), faisant 30 morts et plusieurs dizaines de blessés. De fait, près de 80 personnes ont été tuées et des dizaines d'autres blessées au Pakistan depuis le premier octobre dernier annonçant ce qui ressemble fort à une guerre non déclarée entre les deux communautés sunnite et chiite. Ainsi, la spirale de la violence a été particulièrement marquée au Pakistan depuis le début de cette année avec au moins six attentats intercommunautaires qui ont fait, selon un premier bilan, près de 200 morts, alors que ce chiffre s'établit en fait à plus de 4 000 morts depuis le début des hostilités entre sunnites et chiites, au milieu des années 80. Cette guerre qui en fait ne dit pas son nom, cible plus particulièrement les lieux de prière (mosquées) les madrassas (écoles coraniques) et les religieux des deux communautés. Ainsi, samedi dernier, un leader musulman sunnite, le mufti Jamil Ahmed Khan, dirigeant à Karachi l'une des plus importantes madrassas du pays, a été tué par balles par des inconnus dans la métropole pakistanaise du sud. En mai dernier, un dirigeant de cette même madrassas, -le séminaire de Binori Town-, le mufti Nazumuddin Shamzaï, a été tué dans les mêmes conditions que son coreligionnaire le mufti Jamil. A la suite de ces différents attentats, les autorités sécuritaires pakistanaises ont procédé ces derniers jours à des dizaines d'arrestations dans les milieux islamistes des deux communautés. Selon un responsable de la police à Islamabad: «Les arrestations se concentrent sur les milieux extrémistes de la province du Pendjab et sont destinés à déstabiliser les réseaux des groupes extrémistes interdits», le même, d'ajouter: «Plus de cent militants de groupes interdits sunnites et chiites ont été placés en détention dans diverses villes de la province pour déstabiliser les réseaux de soutien aux terroristes». En fait, la police pakistanaise restait ces derniers jours sur un succès retentissant après la mise hors d'état de nuire de l'un des principaux sous-traitant d'Al Qaîda, l'islamiste pakistanais, Amjad Farooqi, abattu le 26 septembre dernier, et présenté comme le recruteur au Pakistan de la nébuleuse islamique de Ben Laden. De fait, Islamabad après la chute des taliban en Afghanistan à la fin de 2001 a changé son fusil d'épaule pour s'aligner sur les Etats-Unis et la lutte antiterroriste. Ce qui a quelque peu desserré l'étau international sur le Pakistan, considéré jusqu'alors, comme un point de chute et base-arrière du terrorisme international. Ainsi, au cours des derniers mois, l'armée pakistanaise a lancé d'importantes opérations contre les bases supposées d'Al-Qaîda implantées dans les montagnes en bordure des frontières entre l'Afghanistan et le Pakistan. Le président pakistanais Pervez Musharraf, a récemment affirmé qu'une «percée significative a été accomplie» dans la lutte contre le réseau d'Al-Qaîda et que «plus de 600 suspects avaient été arrêtés». Aussi, les autorités pakistanaises ont-elles tendance à imputer la recrudescence de la violence islamiste intercommunautaire aux succès remportés par le Pakistan contre le terrorisme international et notamment Al-Qaîda. Toutefois la montée ces dernières semaines de la violence intercommunautaire, que le pouvoir n'arrive pas à juguler, relativise les efforts fournis par ailleurs pour sécuriser le pays, comme le montrent les attentats de ces derniers jours, indiquant la précarité de la situation d'ensemble dans le pays.