La Tunisie, sous le choc des récentes attaques jihadistes, doit réinventer son modèle touristique au delà des seuls séjours «plage et soleil» afin d'attirer de nouveaux visiteurs, affirment professionnels du secteur et analystes. En l'espace de trois mois, deux attentats sanglants revendiqués par le groupe Etat islamique (EI) ont tué 59 touristes étrangers: 21 au musée du Bardo, à Tunis, en mars, et 38 dans un hôtel en bord de mer à Port El Kantaoui la semaine dernière. En plus de l'émotion provoquée par ces violences, c'est un coup dur pour l'économie. Le secteur représente 400.000 emplois directs et indirects et une source importante de devises pour la Tunisie, dont le dinar n'est pas convertible. L'impact économique de l'attaque de Port El Kantaoui pourrait atteindre au moins un milliard de dinars (plus de 450 millions d'euros) en 2015, selon la ministre du Tourisme Selma Elloumi Rekik. «C'est un minimum je pense», a-t-elle ajouté, alors que le budget de l'Etat tunisien pour 2015 approche les 29 milliards de dinars (13,3 milliards d'euros). A court terme, l'avenir s'annonce donc sombre. Dès le soir de l'attentat perpétré sur une plage et au bord des piscines de l'hôtel Imperial Marhaba, des milliers de personnes ont été rapatriées en catastrophe par leurs agences. Pour pallier aux départs et annulations, des mesures «d'urgence» ont été annoncées par le ministère pour soutenir les professionnels, comme des «prêts exceptionnels (...) pour financer l'activité des établissements touristiques pour les saisons 2015 et 2016». Des solutions qui sont loin de faire l'unanimité car elles sont «contextuelles (et) à court terme», dénonce l'ONG Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES). D'autant que le tourisme balnéaire de masse sur lequel s'appuie la Tunisie n'est plus aussi rentable. «Le modèle du tourisme tunisien (...) a fait ses preuves jusqu'au début des années 2000», explique Jalel Henchiri, vice-président de la Fédération tunisienne de l'hôtellerie (FTH), en soulignant un manque de qualité général, qu'il s'agisse de l'accueil ou de l'environnement. Le tourisme a explosé en Tunisie dans les années 1990, avec un doublement «rapide et sauvage» de sa capacité d'accueil, le pays misant sur le tourisme balnéaire avec le plus souvent des forfaits «all inclusive» (tout compris), ajoute-t-il. Avant la révolution qui a chassé en 2011 Ben Ali, une restructuration du secteur avait été envisagée, selon lui. Mais alors que le pays a connu des mouvements sociaux et une longue et chaotique transition politique, marquée par des changements de gouvernements, cette évolution n'a pas pu être menée à bien, faute de moyens et de temps pour s'y consacrer. «Aujourd'hui, avec les menaces sécuritaires, il serait peut-être inopportun de continuer à soutenir un secteur mourant et qui fonctionne à perte. C'est plutôt la Tunisie qu'il faut sauver de ce tourisme archaïque vers un tourisme plus innovant et plus rentable», affirme le quotidien francophone La Presse.