Quoiqu'il se soit tassé, le «non» demeure en pole position Le référendum d'aujourd'hui en Grèce s'annonce exceptionnel dans l'histoire du pays: le dernier, en 1974, avait mis fin à la monarchie et restauré la République. Au total, sept référendums ont été organisés au 20e siècle en Grèce, entre 1920 et 1974, tous portant «sur le dilemme monarchie ou République», dans des périodes agitées, rappelle le politologue Ilias Nikolakopoulos. «C'est la première fois qu'on a un référendum qui concerne une question de caractère politique international et national» et cela revêt «une importance exceptionnelle», remarque-t-il. Un autre projet de référendum sur une proposition des créanciers du pays (UE, BCE, FMI), concernant la dette grecque, avait fait long feu en 2011, entraînant la chute du Premier ministre socialiste Georges Papandréou. C'est cette fois un énième échec d'une réunion des ministres des Finances de la zone euro, la semaine dernière, qui a déclenché l'annonce de la consultation par le Premier ministre de gauche radicale Alexis Tsipras, dans la nuit de vendredi à samedi. Les électeurs devront répondre à la question: «Est-ce que la proposition soumise par la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire international lors de l'Eurogroupe du 25 juin doit être acceptée?». Les enjeux liés à la question «monarchie ou République» étaient clairs, remarque Lina Louvi, professeur associé d'histoire contemporaine à l'Université de Pantion d'Athènes. Mais aujourd'hui, la question «semble plus compliquée, avec ses connotations économiques et politiques», ajoute-t-elle. D'autant que les enjeux du scrutin sont présentés de manière radicalement différentes par les deux camps. Pour les partisans du non, comme M.Tsipras, il faut que les Grecs soient le plus nombreux possible à repousser la proposition des créanciers, pour espérer en avoir une meilleure par la suite. Les partisans du oui, emmenés par les partis d'opposition Nouvelle Démocratie (conservateur), Pasok (socialiste) et Potami (centre gauche) annoncent au contraire un véritable cataclysme en cas de vote non, à commencer par une sortie de l'euro et son cortège de conséquences incalculables. Pour M.Nikolakopoulos, «le côté positif» de ce référendum, «c'est qu'on fait appel au peuple». «Le côté négatif, c'est la division de la société qu'implique un choix entre oui et non». Le dernier référendum grec en 1974 a suivi la chute de la dictature des colonels (1967-1974) et a donné une majorité de 70% en faveur de la restauration de la république. Ceux de 1968 et 1973, organisés par les colonels, «ne visaient qu'à justifier +la légitimité+ de la dictature», selon Ilias Nikolakopoulos, qui place aussi parmi ces référendums «truqués» celui de 1935, restaurant la monarchie. Le référendum de 1946 avait marqué le retour du roi Georges II, soutenu à l'époque par les alliés et surtout par le Royaume-uni. Mais il avait divisé le peuple et marqué le début d'une guerre civile de trois ans entre forces gouvernementales et communistes. Le premier référendum de 1920 a eu lieu également dans une période tourmentée, en restaurant la monarchie, tandis que celui de 1924 s'est déroulé sur fond de guerre gréco-turque. Le référendum d'aujourd'hui risque d'avoir des conséquences politiques de court terme. Le ministre des Finances Yanis Varoufakis a déjà indiqué qu'il démissionnerait si le oui l'emportait. M. Tsipras est resté plus évasif, se limitant à dire qu'il agirait en cas de défaite selon les principes de la Constitution, ce qui n'implique pas nécessairement son départ.