Le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a dégainé l'arme ultime dans la nuit de vendredi à samedi en annonçant un référendum sur la proposition des créanciers pour le 5 juillet. Il sème la confusion à quelques heures de l'Eurogroupe de la dernière chance à Bruxelles. Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a dégainé l'arme ultime dans la nuit de vendredi à samedi en annonçant un référendum sur la proposition des créanciers pour le 5 juillet. Il sème la confusion à quelques heures de l'Eurogroupe de la dernière chance à Bruxelles. M. Tsipras a agi sans préavis, même s'il avait déjà prévenu qu'un référendum était envisageable en cas de désaccords avec les créanciers (UE, FMI, BCE). Il est apparu grave sur toutes les chaînes de télévision pour une allocution de cinq minutes depuis ses bureaux, à 01h00 locale. Après avoir dénoncé "l'ultimatum" posé par les créanciers dans leur proposition d'accord qui prévoit un versement de 12 milliards d'euros en quatre fois d'ici fin novembre, qui "sape la relance de la société et de l'économie grecques" dans le but "d'humilier tout un peuple", M. Tsipras a indiqué que le conseil des ministres venait d'adopter "à l'unanimité" cette proposition de référendum. "La question qui sera posée sera de savoir si nous acceptons ou rejetons la proposition" des créanciers, a-t-il expliqué. "La Grèce, qui a vu naître la démocratie, doit envoyer un message de démocratie retentissant", a-t-il ajouté, s'engageant à "respecter le résultat quel qu'il soit". Hier, le Parlement s'est réuni à 12h00 locales pour débattre, avant un vote vers 19h00 sur l'opportunité de tenir ce référendum.
Critiques grecques Les leaders de l'opposition ont tous vivement réagi à cette soudaine annonce. L'ancien Premier ministre de droite Antonis Samaras a accusé M. Tsipras de mener le pays "à l'impasse", le Pasok (socialiste) a appelé à la démission de M. Tsipras et à des élections anticipées, tandis que le parti de centre-gauche Potami accusait le gouvernement d'être "le lobby de la drachme". Néanmoins, avec une majorité de 162 députés sur 300, la coalition gouvernementale, qui appellera sans surprise à voter "non", devrait faire adopter sans problème son projet de consultation. La situation était cependant confuse, à quelques heures d'un Eurogroupe (réunion des ministres des Finances de la zone euro) à Bruxelles censé être celui de l'ultime tentative de conciliation. Il a été maintenu, avec participation de la délégation grecque, en dépit des événements. Mais cette fois, un officiel de la zone euro n'excluait pas qu'on y discute aussi "d'un plan B" - le cas où aucun accord ne serait trouvé -, discussion souhaitée "par un certain nombre de pays", selon lui. Le FMI pour sa part n'a fait aucun commentaire.
Prolongation demandée La réunion de samedi pouvait paraître vaine, le projet de question au référendum mentionnant d'ores et déjà qu'elle porterait sur les projets présentés "le 25 juin", soit vendredi, par les créanciers. M. Tsipras donnait cependant quelques signes de ne pas vouloir fermer toutes les portes. Des consultations étaient ainsi lancées entre son gouvernement et le président de la BCE Mario Draghi. Par ailleurs, M. Tsipras a annoncé qu'il demanderait aux créanciers "une prolongation du programme de quelques jours afin que le peuple grec prenne sa décision". Une façon peut-être de gagner du temps. Car les caisses de la Grèce, qui n'a plus reçu d'aide depuis août 2014, sont vides. Sans déblocage d'aide par ses créanciers, Athènes risque le défaut de paiement le 30 juin, faute de pouvoir rembourser les quelque 1,5 milliard d'euros qu'elle doit au FMI.
Files d'attente Les télévisions grecques rapportaient que des files d'attente s'étaient formées, après l'allocution de M.Tsipras, devant des distributeurs d'argent de la capitale. La Banque centrale européenne, après avoir relevé cinq fois en huit jours le plafond de l'aide d'urgence qu'elle accorde aux banques grecques, en raison de retraits massifs d'épargne, n'a pas eu a relever de nouveau ce plafond jeudi et vendredi. Elle se tient cependant prête à tout instant à intervenir. Le gouvernement Tsipras, arrivé au pouvoir en janvier, bataille depuis lors avec ses créanciers pour achever le deuxième programme d'aide au pays. Mais ce gouvernement de gauche radicale, tout en ayant fait de nombreuses concessions à ses créanciers lors des négociations, ne veut pas entendre parler de certaines réformes exigées sur les retraites et la TVA.
Le devoir de trouver un accord Le ministre des Finances grec Yanis Varoufakis a considéré vendredi soir que la Grèce et ses créanciers avaient le devoir de trouver un accord à l'Eurogroupe de samedi à Bruxelles. Il n'y a pas de raison qu'il n'y ait pas d'accord demain à l'Eurogroupe, nous avons le devoir de trouver une solution, a déclaré M. Varoufakis dans une interview à la chaîne de télévision Ant1, tout en donnant des justifications au refus grec de la proposition des créanciers dans l'après-midi. Il a remarqué notamment que la suggestion de ces derniers, comprenant le versement de 12 milliards d'euros d'aide en quatre fois d'ici à fin novembre, engagerait la Grèce pour encore 4 ou 5 mois à des négociations quotidiennes. Ca veut dire que tout le monde, les entrepreneurs, les consommateurs devraient encore attendre novembre-décembre. Or l'économie grecque a déjà été très affaiblie par l'incertitude qui pèse sur l'avenir financier du pays depuis cinq mois que le gouvernement Syriza négocie avec ses créanciers, UE, BCE et FMI. Pourquoi laisser la grande question du financement à la dernière minute?, a-t-il déploré. Il s'est interrogé sur la volonté réelle des créanciers de trouver un accord. Ces derniers jours et semaines, le gouvernement grec a fait sans cesse des concessions. Malheureusement, à chaque fois que nous arrivons presque aux trois quarts ou aux quatre cinquièmes du chemin, les institutions vont dans le sens inverse, a-t-il accusé. Ils durcissent leurs positions et demandent des choses que seulement quelqu'un qui ne veut pas d'accord peut demander, a-t-il estimé. Cette interview a été diffusée alors que M. Varoufakis participait à un conseil des ministres autour du Premier ministre Alexis Tsipras, qui se prolongeait vers 21H30 GMT. A son arrivée, le ministre de la Santé Panagiotis Kouroublis a estimé également qu'il y aurait un accord.
La proposition des créanciers ne peut être acceptée Le dernier plan de renflouement proposé à la Grèce par ses créanciers, en échange d'efforts budgétaires, ne peut être accepté car il contient des mesures récessives et un programme de financement sur cinq mois tout à fait insuffisant, selon une source gouvernementale grecque. La proposition des institutions (UE, FMI) au gouvernement grec était de légiférer immédiatement sur des mesures profondément récessives (...) en tant que condition d'un financement sur cinq mois, cependant tout à fait insuffisant, a déploré le gouvernement grec vendredi dans une note à la presse. Une offre, prévoyant une prolongation de cinq mois du programme d'aide dont bénéficie la Grèce et un paquet d'au moins 12 milliards d'euros à verser en quatre temps jusqu'en novembre, a été faite par les Européens et le FMI, selon un document qui a fuité vendredi. La note du gouvernement grec confirme le détail de cette proposition qui prévoit notamment de verser à Athènes 1,8 milliard d'euros en urgence, moyennant un vote du Parlement grec, pour éviter le défaut de paiement au 30 juin, date à laquelle la Grèce doit rembourser un prêt de quelque 1,5 milliard d'euros au Fonds monétaire international. Une partie des 12 milliards serait ensuite versée en fonction de la mise en oeuvre concrète des mesures votées. Il est évident que la proposition des institutions, même sans prendre en compte les mesures récessives et socialement destructrices qu'elle prévoit, laisse un important trou de financement pour la période d'extension de cinq mois (du programme d'aide, ndlr) et, encore plus inquiétant, mènerait à une nouvelle négociation difficile, et un nouveau mémorandum (d'austérité) à la fin de l'année, affirme le gouvernement dans son texte. L'argumentaire développé par le gouvernement dans cette note est que chacune des tranches prévue jusqu'à novembre ne servira qu'à rembourser différentes échéances dues au créanciers jusqu'à cette date: 4 milliards d'euros prévue d'ici mi-juillet se répartiront entre le remboursement d'obligations détenues par la BCE (3,5 milliards) et la contribution aux fonds structurels européens (500 millions) ; 4,7 milliards début août, également destinés à rembourser la BCE et 1,5 milliard en octobre pour payer le FMI. Conséquence, en déduit la partie grecque: la proposition ne contient par la moindre liquidité pour l'Etat, et ne compense pas le refus, jugé probable par les Grecs, que le FMI ne verse pas les prêts prévus initialement jusqu'en mars 2016 puisque la dette publique grecque ne sera pas jugée soutenable. Autre grief des Grecs: le montant de 12 milliards d'euros ne tient pas compte du fait que l'Etat grec, qui attend depuis près d'un an le feu vert des créanciers au versement d'une aide prévue dans son programme d'assistance internationale, a accumulé des impayés et subi une hausse de son taux de refinancement. Le gouvernement déplore enfin que sa proposition d'un échange des 27 milliards d'euros d'obligations grecques détenues par la BCE, dont une partie arrive à échéance cet été, via un échange de titres avec le Mécanisme européen de stabilité (MES, dispositif de gestion des crises financières de la zone euro), soit refusée par les créanciers alors qu'elle lui permettrait de bénéficier du programme d'assouplissement quantitatif de la BCE, lui apportant une bouffée d'air financière.
Ultimatums et chantage dans l'UE Le Premier ministre grec, Alexis Tsipras, a affirmé vendredi refuser les ultimatums et le chantage dans l'Union européenne, où il est sous pression maximale pour accepter un accord avec les créanciers de son pays, à quelques jours d'un risque de défaut de paiement. Les principes européens n'ont pas été fondés sur le chantage et les ultimatums. En particulier en ces heures cruciales, personne n'a le droit de mettre en danger ces principes, a affirmé le dirigeant de gauche radicale à l'issue d'un sommet européen à Bruxelles. Ces déclarations font écho à la décision du gouvernement grec de ne pas accepter en l'état le dernier plan de renflouement proposé à la Grèce par ses créanciers (UE et FMI), en échange de réformes et coupes budgétaires, selon une source gouvernementale grecque. Nous attendons d'autres propositions, les négociations continuent, a indiqué cette source, après qu'Athènes a été mis en demeure par ses créanciers de finaliser un accord à l'occasion d'un Eurogroupe (ministres des Finances de la zone euro) prévu pour samedi après-midi. Le gouvernement grec continuera à se battre de manière décisive pour les principes européens de démocratie, solidarité, équité et respect mutuel (...) pour le compte du peuple européen et du peuple grec, a ajouté M. Tspiras. L'équipe de négociateurs grecs incluant notamment le ministre des Finances Yanis Varoufakis doit rester à Bruxelles jusqu'à nouvel ordre, a-t-on indiqué de même source. Selon des documents de négociation qui ont fait l'objet de fuites vendredi, les créanciers européens pourraient mettre sur la table 12 milliards d'euros de prêts au cours des cinq prochains mois si Athènes acceptait les mesures qu'ils veulent lui imposer. Mais les discussions coincent toujours sur la réforme des retraites et la TVA notamment.