Les deux candidats à la Maison-Blanche se trouvent au coude à coude, à deux semaines de l'élection du 2 novembre. John Kerry, l'adversaire démocrate du président sortant George W.Bush croit de plus en plus en ses chances de supplanter l'actuel locataire du Bureau ovale. Il faut dire que le sénateur du Massachusetts a le vent en poupe depuis qu'il a réussi, notamment, lors des trois débats qui l'ont opposé au président Bush, - qu'il a tous remportés - à faire une remontée spectaculaire et à combler un retard qu'observateurs et analystes estimaient alors insurmontable. En effet, à l'exception de sa remontée dans les sondages après la convention démocrate du mois de juillet, John Kerry voyait tout au long de l'été, s'élargir le fossé entre lui et le président sortant. En fait, le sénateur du Massachusetts souffrait d'une absence d'image auprès de l'électorat américain, qui connaissait peu ce natif de Boston. Les débats, tous centrés sur la guerre en Irak, ont permis au candidat démocrate de revenir dans le jeu électoral en s'imposant sans fioriture, face à un Bush emprunté et par trop arrogant. Si George W.Bush caracolait dans les sondages ce n'est pas du fait de sa politique, mais plus de la méconnaissance qu'avaient les Américains de son challenger, d'autant plus que les analystes américains unanimes estiment que la présidence du républicain George W.Bush a été un «désastre» lors de ses quatre ans de présidence des Etats-Unis. Le président sortant aura surtout montré l'indigence de sa culture politique, une idéologie axée sur le seul recours à la force. C'est cette politique de force et de violence qu'il a d'ailleurs mise en pratique en Irak avec le «succès» qu'on lui connaît comme le rappelle opportunément John Kerry, qui a vertement critiqué la politique «obtuse» de M.Bush, affirmant qu'il y a eu plus de violence sous le mandant de l'ancien gouverneur du Texas, que jamais par le passé, soulignant: «Nous avons davantage de terroristes là-bas que nous n'en avons jamais eu (...) et davantage de territoire a été cédé (aux terroristes) mais George W.Bush persiste à dire que nous faisons des progrès». En fait, au plan national et international, le président sortant a fait l'unanimité contre lui. Au plan national les Américains, plutôt conservateurs, prennent néanmoins de plus en plus conscience des dégâts que la politique de M.Bush a causés à l'image et à la réputation de l'Amérique. Le prestigieux quotidien new-yorkais, le New York Times, qui a décidé d'appuyer le candidat démocrate, John Kerry, résume quelque peu l'opinion des Américains lorsqu'il écrit dans son éditorial d'hier «Quand nous jetons un regard en arrière, sur les quatre années passées, nos coeurs sont près de se briser pour les vies perdues inutilement et pour les occasions gâchées malencontreusement». M.Bush n'est pas mieux estimé à l'extérieur des Etats-Unis. Ainsi, selon un sondage paru récemment, si les Européens avaient la possibilité d'élire le président américain, ils voteraient à 80% contre le locataire de la Maison-Blanche. C'est le même sentiment en Asie où, en outre, on reproche au président sortant son «arrogance» envers les pays les moins développés. George W.Bush est en fait un cas qui a réussi la gageure de se mettre à dos certaines monarchies arabes, comme l'Arabie Saoudite, traditionnellement empressées à plaire aux Etats-Unis, dans le même temps où il conforte la politique criminelle d'Israël dans les territoires palestiniens occupés. Mais pour ce qui concerne le conflit israélo-palestinien, il ne faut pas se faire trop d'illusions, et ne pas s'attendre à une politique plus ouverte de la part du candidat démocrate John Kerry envers ce dossier vieux de 57 ans. De fait, Washington n'a jamais eu de politique proche-orientale propre et a toujours appliqué celle dictée par Tel-Aviv et les lobbies pro-israéliens qui foisonnent dans les travées des institutions politiques américaines. Et John Kerry, si jamais il est élu, ne semble pas le chef d'Etat américain capable de regarder ses concitoyens dans les yeux et leur dire qu'il est temps que l'Amérique prenne ses responsabilités dans le dossier du Proche-Orient et fasse appliquer les résolutions de l'ONU afférentes à ce conflit. Car, tant que les présidents américains n'auront pas le courage de juger Israël pour ce qu'il est, un Etat dominateur qui occupe des territoires ne lui appartenant pas, -tel que consignés dans les résolutions du Conseil de sécurité - qui impose le joug à la population palestinienne, il est vain d'espérer le retour de la sécurité ou la réussite d'un processus de paix au Proche-Orient. Cela dit, Bush a également réussi le pari de réunir les suffrages internationaux contre lui et sa politique guerrière en Irak et dans le monde. En fait, rien n'est joué, tant de paramètres entrent en ligne de compte dans une présidentielle américaine et malgré ses handicaps, Bush a autant de chances de conserver son mandat que Kerry celle de se faire élire. A deux semaines du scrutin, les tendances se sont resserrées et George W. Bush et John Kerry se trouvent sur la même ligne et pour l'un comme pour l'autre un sérieux coup de rein est encore à donner.