L'abeille du Djurdjura, victime, se meurt L'abeille nord-africaine appelée l'abeille tellienne, spécimen le plus adapté au climat nord-africain, est menacée de disparition. Le varroa a fait sa première apparition en Algérie en 1981, précisément dans les ruchers de la région de Souk Ahras venant à partir des abeilles ramenées de Tunisie. La Tunisie a, elle, été contaminée par des colonies d'abeilles importées de Roumanie. Le monstre a cependant envahi tous les continents sauf l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Il est responsable de la maladie appelée varoatose. Appelé Varroa destructor, c'est un acarien parasite de l'abeille adulte ainsi que des larves et des nymphes. Originaire de l'Asie du Sud-Est où il vit aux dépens de l'abeille asiatique Apis cerana qui résiste à ses attaques, contrairement à l'abeille domestique, il est arrivé en Europe dans les années cinquante. Des apiculteurs français l'ont signalé pour la première fois dans leurs ruchers en 1982. Le destructeur tue les colonies lentement. La femelle varroa se loge dans une cellule occupée par une larve d'abeille, juste avant son operculation. En cas de forte infection plusieurs femelles peuvent occuper la même alvéole. De préférence, elle choisit les cellules de couvain d'abeilles mâles qu'elle distingue à l'odeur. La femelle pond de deux à huit oeufs. Le premier pondu, soixante heures environ après l'opérculation, donnera un mâle. Les suivants donneront des femelles qui suivront toutes les 30 heures environ huit. Une fondatrice peut effectuer plusieurs cycles de ponte. Le varroa sévit En silence mais sans pitié. Ce monstre destructeur est en train de décimer le rucher du Djurdjura devant les regards impuissants des apiculteurs qui n'ont que des SOS à lancer envers les services de l'Etat. Pour cette année, les apiculteurs désespèrent. La récolte est en grande partie perdue. Dans certaines régions comme les Ouadhias, la perte est estimée à 50% de l'ensemble de la production. Selon le président de l'association des apiculteurs de la wilaya de Tizi Ouzou, la maladie se propage et s'étend à tout le massif du Djurdjura, qui est l'un des plus grands producteurs de miel en Algérie aux côtés du massif blidéen. En fait, ajoute notre interlocuteur, la maladie a commencé à apparaître dans les ruches à partir de la fin du mois d'avril, mais la situation dans la totalité du massif du Djurdjura s'est manifestée à différentes périodes du printemps, puisqu'il existe une différence d'altitude et de latitude et des conditions climatiques de froid qui s'est allongée retardant le printemps. Dans le versant maritime, beaucoup d'apiculteurs que nous avons rencontrés affirmaient les dires du président de leur association, Salem Touati. Pour certains, la reconversion vers la culture des essaims sauvages a été rendue nécessaire afin de compenser les pertes. Enfin, devant toutes ces conditions climatiques aggravées par l'arrivée précoce de la chaleur estivale, la propagation du varroa a été fulgurante. Difficile de l'infirmer ou de le confirmer mais les apiculteurs s'accordent sur un constat. L'abeille nord-africaine appelée l'abeille tellienne ou Apis Mellifica Intermissa, spécimen le plus adapté au climat nord-africain est menacée de disparition. Derrière cette mort absurde l'importation illégale d'autres races moins adaptées ont produit une véritable catastrophe dans le secteur. Les ruchers du Djurdjura ont été par conséquent victimes de pollution génétique. Un phénomène qui favorise également la propagation du Varroa. Ce n'est pas uniquement l'importation illégale et la pollution génétique et la Varroa qui menacent l'abeille tellienne. Aujourd'hui, bien que peu répandue sur les reliefs du Djurdjura, il n'en demeure pas moins que ses effets commencent à apparaître. L'utilisation massive des insecticides est d'une capacité de nuisance égale sinon supérieure au Varroa. Même cette maladie a, dans ses débuts, été soignée par un traitement chimique que les scientifiques ont vivement critiqué. Ceux-ci affirment que le traitement chimique, contrairement à son objectif, a conduit à l'apparition de la résistance de l'acarien aux traitements chimiques et la présence des résidus dans les produits de la ruche. Des chercheurs de l'université de Bouira ont préconisé le traitement par les plantes, à savoir le romarin et l'armoise. Les apiculteurs regrettent que malgré les moyens financiers consentis par l'Etat pour le développement de l'apiculture, les moyens techniques et scientifiques ne sont pas encore encouragés. Ce qui a retardé le développement de la lutte contre le varroa. Ces derniers appellent l'Etat à les aider à développer la vente au rayon. Méthode retardée par l'absence de machines appelées picoteuses sur le marché algérien. D'où le recours des apiculteurs à des initiatives individuelles. L'Algérie mal préparée L'absence d'un laboratoire spécialisé et surtout un atlas pollinique pour le massif du Djurdjura rend le travail des apiculteurs trop pénible et moins rentable dont les conséquences se rabattent sur les prix du miel à la vente. Pour lutter contre le varroa, les apiculteurs préconisent de commencer par un dépistage régulier tant pour détecter la présence du varroa que pour évaluer son importance une fois l'infestation enclenchée. Comme mesures préventives, il faut limiter la transhumance ainsi que l'acquisition et la vente d'essaims. A court terme, le traitement à l'acide formique est la meilleure solution pour l'apiculteur biologique aux prises avec le varroa car il s'agit d'un produit accepté par les cahiers des charges et autorisé par l'apiculture biologique. Le piégeage qui est le prélèvement du premier cadre operculé et l'introduction de larves-pièges dans les ruches pourra servir comme première ligne de défense dans le cas d'une infestation peu sévère. A long terme, ajoutent ces derniers, la seule solution sera le développement d'abeilles résistantes au varroa. Comme sa cousine l'abeille asiatique, notre abeille tellienne devra apprendre à cohabiter avec le varroa. Adieu miel du jujubier! Pourtant, l'apiculture dans le massif du Djurdjura peut concurrencer celle des plus grands producteurs du monde. Produit au Yémen, par les abeilles butineuses des champs de jujubier, appelé en kabyle Azeggar, ce miel est le plus cher sur les places internationales. Dans le massif du Djurdjura, cet arbuste appelé jujubier pousse en grandes quantités. Son miel, faute de laboratoires et de labellisation, est vendu au prix des autres de moindre qualité. Produit en grandes quantités surtout à Maâtkas, le miel de jujubier du Djurdjura est inexistant sur les marchés internationaux. Les lourdeurs bureaucratiques gérant le commerce international en Algérie ont maintes fois dissuadé des Algériens vivant en Europe qui ont tenté de mettre ces produits sur les circuits internationaux. Les chiffres livrés par l'association des apiculteurs révèlent en effet une grande capacité de concurrencer les plus grands labels du monde y compris le label californien. La densité des ruches d'abeilles est estimée à 35 ruches par km2. Elle l'une des plus élevées au monde. Sur tout le massif du Djurdjura, pullulent quelque 200.000 ruches dont 100 dans la wilaya de Tizi Ouzou occupant un espace mellifère de 550.000 hectares. Quelque 47.000 ruches produisent annuellement 2 700 quintaux de miel. Bien sûr, dans des conditions où le monstre destructeur n'a pas encore frappé.