«Il faut se méfier du calme», prévient, 12h avant l'attentat, le colonel Alioua, commandant de groupement de la gendarmerie d'Alger, en nous expliquant les modalités du programme de sécurité antiterroriste spécial Ramadan, adopté chaque année en ce mois sacré. Baptisé «Ramadan fi el aman» (Ramadan en sécurité), ce dispositif est appliqué en parallèle à l'intégration de la gendarmerie dans le plan Orsec décrété dans les wilayas du Centre suite à la catastrophe du samedi 10 novembre et en dehors des autres missions de routine de ce corps. Le renforcement de la sécurité embrasse la capitale et ses environs, de Zéralda à Réghaïa, Birtouta, Baraki, etc. L'appréhension est très présente de voir des groupuscules terroristes dormants profiter de la situation actuelle, qui voit l'engagement des forces de l'ordre dans les opérations de secours et d'assistance aux sinistrés. «Nous ne devons pas laisser le terrain propice à la réactivation de la cellule dormante d'Alger», nous confirme ce «patriote» de La Pointe rencontré tard dans la soirée de lundi alors qu'il revenait du bain maure de Triolet où lui et ses collègues s'attellent depuis des jours, à retrouver des corps. «Des bruits courent sur le réveil du groupuscule de la capitale, ce sont des éléments restant du groupe de Djaâfar El Afghani», poursuit le «patriote». Selon le colonel Alioua, plusieurs patrouilles de gendarmerie mobile, statique ou des barrages fixes, ont installé un système de maillage cernant le Grand Alger et ses axes routiers, secondaires et importants. Abordant l'engagement de ces éléments, dont le nombre dépasse quelque 2.000 hommes, dans le plan Orsec, le colonel Alioua a indiqué que leurs missions s'articulent sur plusieurs vecteurs. D'abord l'escorte, effectuée par une centaine de motocyclistes, des convois d'aide de l'aéroport ou des centres d'assemblage vers les points de distribution. A la question de savoir si ses services ont été saisis pour des cas de détournement ou de revente de denrées destinées aux sinistrés, le commandant de groupement a indiqué que, pour le moment, il n'y a pas eu de détournements à grande échelle ou de cas à 100% vérifiables par manque de preuves pour notamment des vols commis sur des cadavres. La gendarmerie intervient, aussi, dans le cadre des enquêtes et de travail d'identification des victimes. «Puisqu'il y a eu mort violente, il y a enquête», commente le colonel, avant d'ajouter que leur travail consiste à utiliser les procédures de l'enquête judiciaire de l'identification digitale ; leur mission touche également l'identification des carcasses de véhicules à partir du matricule ou, à défaut, du numéro de châssis. Répondant aux reproches formulés ici et là concernant les retards enregistrés dans l'intervention des gendarmes, notre interlocuteur nous a fait savoir que l'état impraticable des routes a empêché toute opération de sauvetage et même les hélicoptères n'ont pu décoller à cause des fortes précipitations de grêle, «mais à partir de 15h les secours pour repêcher des gens emportés par la crue ont commencé», ajoute-il. «Ici, je tiens à rendre hommage aux citoyens qui ont donné leur vie pour sauver d'autres Algériens, à ces jeunes qui n'hésitaient pas à braver la mer déchaînée pour repêcher des corps», insiste le colonel. «Nous avons notamment installé des éléments sous des tentes, au niveau du camp de toile des sinistrés à Sidi Fredj, afin de sécuriser les familles déplacées», poursuit le colonel. A Frais-Vallon, dans la brigade de gendarmerie, elle aussi sinistrée, un centre de soins a été ouvert aux citoyens des environs et une ambulance est mobilisée sur place. Le colonel Alioua a tenu à revenir sur la polémique des égouts bouchés en l'assimilant à un autre épisode du «Qui tue qui?». «Les gens confondent avaloirs, égouts et trappe d'intervention», précise t-il en ajoutant: «On ne peut souder des égouts d'évacuation, c'est impossible ; et on n'a pas le droit non plus de les obstruer, c'est criminel !» Le commandant de groupement s'est rappelé ses tournées à l'intérieur de ces tunnels, «Alger est bâtie sur un véritable gruyère».