Il semble bien que les services de sécurité disposent d'assez d'éléments d'informations pour procéder à un maillage rigoureux des artères menant aux villes, notamment la capitale. L'ANP, principal corps de sécurité engagé dans la lutte antiterroriste, a déjà mis en place quelques unités dans et autour de la capitale. L'installation de cabines sahariennes à Bordj El-Bahri renseigne sur la durée que va prendre l'opération anti-GIA. Autour de Cheraga, aussi, des unités de l'ANP ont été placées en état d'alerte. Les policiers, en tenue de combat, ne se contentent plus de surveiller, à partir de barrages fixes, le mouvement des passants et la circulation routière. Désormais, ils se déplacent en groupe de deux éléments, même dans les ruelles, les marchés couverts et les artères éloignées des centres urbains. La mise en place de ce dispositif a été observée, notamment, dans les stations balnéaires de grande affluence pendant la saison estivale, telles que Zeralda, Colonel Abbès, Staouéli, Sidi Fredj, Douaouda, Club des Pins, Palm Beach et toute la côte algéroise Ouest. Un autre corps de sécurité, la gendarmerie nationale, s'apprête à mettre en branle son troisième «plan de sécurité» en moins d'une année. Durant le ramadan dernier, un plan de sécurité «Ramadan fi aman» a été élaboré et pratiqué, avec les résultats positifs que l'on sait (le ramadan 2001 a été le moins meurtrier depuis 1993, avec 72 assassinats «uniquement»). Le second plan de sécurité a été mis en route il y a deux mois au niveau des parcs familiaux et des centres de détente côtiers. Aujourd'hui, on parle d'un troisième plan de sécurité, qui se fera de concert avec la police et l'armée. Hormis ces trois corps de sécurité, c'est toute l'armada des services spéciaux qui est partie prenante de la stratégie. Ainsi, la PJ, les RG, la DCE et le DRS travaillent en aval, de façon quasi invisible et efficace, si l'on se fie aux dernières arrestations menées dans les milieux radicaux de façon tout à fait fulgurante (un journaliste-pigiste d'obédience radicale, arrêté à Maqaria, l'imam-prêcheur de Haï el-Badr le pseudo-étudiant mauritanien, le terroriste du bus de Kouba, un poseur de bombe à El-Harrach, etc.). Tout cette vaste toile, constituée d'éléments de terrain et d'hommes de renseignement, est appuyée par un réseau d'informateurs civil, essentiel dans l'échiquier sécuritaire, car composé d'éléments «retournés» et d'une espèce de cellule civile du renseignement. Ce sont pratiquement dix à douze mille hommes qui forment ce vaste monde, mis en alerte dans une stratégie d'échec à la percée des GIA, qui, depuis l'intronisation d'Abou Tourab, semble privilégier la guérilla urbaine, notamment dans la capitale, où, désormais, deux ou trois cellules vivant intra-muros tentent de faire naître une psychose aux attentats terroristes. Les services de sécurité ont surtout compris une donne essentielle. C'est qu'on a affaire à deux groupes du GIA, l'un vivant au coeur même d'Alger, l'autre aux régions périphériques. La vaste et riche plaine de la Mitidja continue d'être le fief des derniers irréductibles du GIA (Meftah, Cherarba, Larbaâ, Bougara, Ouled Slama, Hammam Melouane, Guerouaou, Ferroukha, Boufarik, Blida, El-Affroun, Chiffa, Attatba et Tipasa). Ces derniers sont en connexion avec les éléments d'Alger et sa périphérie. L'argent qui provient des «butins de guerre», et qui est toujours caché dans le massif blidéen et les contreforts de Médéa, est colossal, et permet aux GIA de mener une véritable guerre d'usure. Les nouvelles recrues, dont le profil jeune et le look «à la page» ont été établis, sont liées à l'organisation par le seul maillon l'argent. Agissant comme de véritables «groupes armés privés» ces «entreprises de la mort» de plus en plus audacieuses et précises dans leur stratégie, scindées en cellules urbaines quasi autonomes sont aujourd'hui la hantise des services de sécurité, car hermétiques à l'infiltration et possédant un look très Monsieur-tout-le monde. En quadrillant de façon hermétique le pourtour de la capitale, l'armée compte filtrer les issues et permettre, ainsi, aux services agissant à l'intérieur d'accomplir un travail plus en profondeur. Passée par dix ans de drames vécus au quotidien, la population algéroise assiste, détachée et fascinée à la fois, à la «privatisation de la guerre». Qui risque encore de s'inscrire dans le temps.