Si les Arabes devaient voter pour cette élection, ce serait Kerry qui l'emporterait haut la main. Des dizaines de millions d'Américains voteront aujourd'hui pour élire celui qui dirigera leur pays pour une période de cinq ans. Cependant, ces électeurs vont aussi décider d'une série de politiques dans le monde qui auront des implications directes sur la vie quotidienne de centaines de millions de personnes de par le monde. Un état de fait qui n'a jamais été aussi évident pour les Arabes qu'à l'occasion de cette consultation électorale US. En effet, les pays du Croissant fertile seront les premiers concernés par une victoire ou une défaite du président américain sortant. C'est en effet sous son règne que le monde musulman a connu et vit toujours deux guerres qui semblent s'être installées pour durer. L'Afghanistan et l'Irak sont, à ce propos, considérés par l'ensemble des observateurs comme une conséquence très logique de la politique internationale de George Bush. A la tête d'une administration qui agit comme si elle avait été investie d'une mission divine, Bush adopte une politique unilatérale dans la gestion des affaires du monde. La lutte antiterroriste dans laquelle les USA se sont engagés après les attentats du 11 septembre 2001, est menée de manière autoritaire qui ne tient compte, ni des droits de l'homme ni de la légalité internationale que les Etats-Unis ne se sont nullement empêchés de fouler du pied lors de leur invasion d'Irak. Les Arabes sont également interpellés sur la question palestinienne où, force est de constater le parti pris de l'administration Bush en faveur d'Israël. Plus que cela, la nation arabe a eu à gérer également sous la présidence américaine de Bush, son initiative qu'il a dénommée «Le Grand Moyen-Orient», dont l'esprit est d'aboutir à terme à une démocratisation totale de tout l'espace arabo-islamique. La proposition américaine avait, rappelons-le, fait sortir de leurs gonds plusieurs dirigeants arabes, qui y ont vu une tentative manifeste d'ingérence dans les affaires internes des Etats de la région. En fait, jamais la nation arabe n'a autant souffert de l'hégémonie américaine que pendant les quatre ans de présidence de George Bush. Une probable victoire de John Kerry à l'élection présidentielle aura, sans doute, des répercussions sur la situation dans la région. Cependant, sur la question de l'Irak, même si Kerry crie, à qui veut l'entendre, que Bush a commis une grave erreur en l'envahissant, il ne promet pas de retirer les troupes de ce pays. De plus, sur la question palestinienne, le démocrate a un parti pris très évident en faveur de l'Etat hébreu. La seule satisfaction pour les dirigeants arabes est qu'il n'évoque pas le projet du «Grand Moyen-Orient». Autrement dit, il pourrait diverger avec l'actuel président des Etats-Unis sur la gestion de l'espace géostratégique qu'est le monde arabe mais dans le fond ce sont des nuances qui ne remettent pas en cause le soutien traditionnel à Israël. Cela dit, à en croire des sondages effectués çà et là, si les Arabes devaient voter pour cette élection, ce serait Kerry qui l'emporterait haut la main, même si globalement les masses arabes ne se font pas trop d'illusions sur la nature du régime US qu'il soit démocrate ou républicain. Cependant, des informations plus pointues émanant des hautes sphères de pays arabes, donnent du côté des dirigeants une préférence pour une reconduction de George Bush. L'argument qui expliquerait cette attitude paradoxale, tient au fait qu'un président américain lorsqu'il accède à un second mandat est automatiquement moins dépendant de l'influence des lobbies, notamment sionistes. Les tenants de cette thèse espèrent qu'une réélection du président sortant pourrait déboucher sur une solution au conflit israélo-palestinien. Bill Clinton a bien réussi à faire assoire Arafat et Rabin autour d'une même table.