Oran tient à son festival Les revenus seront versés à des artistes qui ont sacrifié toute leur vie en défendant le chant propre à une région tout aussi chère à l'Algérie, le raï original. Les Journées maghrébines du raï, dont le déroulement est prévu à Alger du 21 au 27 août, risquent de ne pas avoir lieu. Pour cause, les autorités censées autoriser une telle manifestation, en premier lieu le ministère de la Culture, ne se sont pas exprimées. Une telle indécision met mal à l'aise les responsables de l'association de la promotion et de l'insertion de la chanson oranaise qui ont entamé les préparatifs depuis plus d'une année. Neufs jours nous séparent du coup d'envoi de la manifestation. Nassredine Touil, président de l'association Apico, en se confiant à L'Expression, a invité le ministère de tutelle à faire preuve d'une certaine indulgence en contribuant à la tenue de la festivité. «Y a pas eu de réponse, ni du ministère de la Culture, ni de l'Agence du rayonnement culturel ni encore moins de l'Oref», dira Nassredine Touil, ajoutant que «ces institutions ont été touchées par des courriers officiels, dont nous détenons les accusés de réception». La première édition est dédiée aux stars de la chanson du vrai raï se trouvant inconfortables sur le plan social. Tel que prévu par les organisateurs de la festivité, les recettes des spectacles, seront versées au chanteur Belkacem Bouteldja, le poète Mekki Nouna, Cheikh Boutaiba et l'auteur compositeur Benali qui est également époux de la défunte chanteuse Soraya Kenane. Les trois grands artistes, ayant propulsé le raï de l'avant, sont lourdement malades nécessitant des soins. A Oran, la désolation est totale, étant donné qu'une telle action caritative ne trouve toujours pas d'écho, pas moins chez les responsables devant prendre en charge la cause sociale des artistes qui ont fait le bonheur des Algériens durant les années de brasier et des meurtres lambda en s'opposant à la horde terroriste. Le roi de la chanson sentimentale, Hasni, n'a-t-il pas défié les sanguinaires terroristes du GIA en animant le spectacle de l'espoir le 5 juillet 1993, alors que plusieurs chanteurs algériens avaient fui le pays en s'installant aisément eu Europe? Une telle question revient comme un leitmotiv sur toutes les lèvres des Oranais ambitionnant que le raï original soit considéré comme patrimoine culturel national. Idem chez les férus de chant au verbe cru et musique toute originale et berçante du raï. Les Oranais plaident leur droit de cité, tout en interpellant le département de Azzedine Mihoubi en l'invitant à apporter sa touche pour soutenir une telle activité dont les revenus engrangés seront versés à des artistes qui ont donné les meilleurs de leurs jours en défendant bec et ongles le chant propre à une région tout aussi chère à l'Algérie, le raï original. Aucun ne peut se gourer, plus d'une institution affiche clairement son hostilité vis-à-vis du raï. Pourtant, cette musique aux compostions, chant et paroles algériens a, à plus d'un titre, ravivé et haussé l'esprit nationaliste des Algériens. La chanson de Ashab El Baroud est un exemple concret. Les responsables hiérarchiques en charge de la culture sont pointés du doigt par les Oranais accusant Mihoubi et son département de vouloir étouffer délibérément l'expression propre à toute une ville, voire une région, ne cessant ces derniers jours de faire sa promotion en vue de domicilier les Jeux méditerranéens de 2021. «Il est plus que nécessaire de développer ces cultures, en soutenant les activités citoyennes organisées par des associations inscrites dans le développement du patrimoine culturel national», dira un professeur universitaire. Le festival du raï lancé pour la première fois en 1985, a, jusqu'à sa délocalisation en 2008, constitué une rencontre artistique de haut niveau. Il a été organisé annuellement au mois d'août, dans la ville d'Oran. La rencontre artistique réunit les plus grands musiciens de la scène raï. Depuis 2008, le festival a été délocalisé vers la wilaya de Sidi Bel Abbès au grand dam des Oranais. Et depuis, El Bahia abrite le Festival de la chanson oranaise, créé de toutes pièces par les responsables d'alors en charge de la culture aux seuls fins, d'éviter les stigmatisations des férus du verbe cru. Après avoir trébuché en subissant les humeurs des responsables de la culture des années 1980, les hommes du raï, musiciens, cinéastes, journalistes et artistes récidivent en 1991 l'expérience d'un rendez-vous consacré exceptionnellement au chant raï et à la musique oranaise. A cette époque, les initiateurs du festival ont jugé utile de braver le mot d'ordre établi par l'ex-FIS qui a mis à plat toutes les animations musicales. Grâce au soutien de la société civile et malgré les intimidations dont furent l'objet ses organisateurs, le festival, organisé dans le Palais des sports d'Oran, a été autorisé six heures avant son coup d'envoi. Sous l'égide de l'Apico, le festival a poursuivi son chemin pendant 14 éditions, rivalisant ainsi avec le festival du raï organisé à Saïdia (Maroc), dont la date a été fixée simultanément avec celle de la rencontre d'Oran. Malgré les contraintes financières et sécuritaires, le festival du raï, se tenant à Oran, a, pendant 14 années, attiré la crème du chant et musique raï tout en propulsant les forces montantes. Depuis l'édition de 1991, le festival est rentré dans l'innovation en proposant un espace culturel supplémentaire, marqué par les expositions et stands de vente de cassettes et autres oeuvres éditées par les raïmans et raïwomens. Paradoxalement, le festival a tout aussi animé de vives polémiques sur les mécanismes devant aboutir à sa prise en charge. En 1997, le festival sort pour la première fois d'Oran. Il a été domicilié à Alger. En 2003, le festival prend une nouvelle dimension en variant les activités contenues dans le rendez-vous culturel estival d'alors. La maturité arrive en 2004 lorsque les organisateurs ont opté pour la collection réunissant des genres et des générations en associant tous les chabs et chabates fredonnant le raï. La rencontre de 2004 a été clôturée tard vers 06h du matin, vu la participation de l'ancienne troupe Ahl Diwan, rétablie vingt ans après sa dissolution. Ce n'est pas tout. Le festival de 2004 s'est ouvert à tant d'autres genres musicaux comme le chant kabyle représenté par Boualem Chaker, le chaâbi par Abdelkader Chaou, chab Khalass dans le staïfi et Hamid Belbeche représentant le versant aurésien et chaoui. Dans cette édition, les cheb Reda Taliani, cheb Redouane, Houari Dauphin ont émerveillé le public pointilleux et ponctuel en se rendant à l'heure au Théâtre de verdure portant le nom du Roi de la chanson sentimentale, le défunt chab Hasni. Idem pour la 15ème édition fixée dans le professionnalisme et la présence des artistes professionnels. C'est durant le festival de 2005 que la ministre de la Culture avait annoncé officiellement l'institutionnalisation du Festival national de la chanson raï et la mise en place d'un commissariat pour l'organisation de l'édition 2006. Celle-ci a été organisée simultanément à Oran et Aïn El Turck du 1er au 5 août. Une pléiade de chanteurs et chanteuses de notoriété avait animé cette rencontre. Il s'agit de chaba Zahouania, chaba Yamina, chaba Kheira, chaba Djanet, chaba Djamila, les cheikhate Warda, Nedjma, Hakim Salhi, cheb Abbess, Redouane, Nanni, Raïna Raï, Houari Dauphin et les incontestables cheb Khaled et Bilal. A partir d'août 2008, ce fut la délocalisation du festival vers la wilaya de Sidi Bel Abbès. Les Belabèssiens revendiquent la propriété du chant raï en se référant à la chanson des Raïna Raï Ya Zina lfen w rai Khardjine m Bel Abbès (l'art et le rai proviennent de Sidi Bel Abbès). Les Oranais continuent à revendiquer la paternité d'une grande rencontre artistique incubant à jamais le chant local, le raï de tous les temps.