Permettre à toutes les franges de la société de passer des vacances selon leurs moyens Pour un séjour dans une ville côtière, pas moins de 25.000 DA par jour sont à débourser, entre le prix de l'hébergement, les repas, les divertissements et les sorties. La saison estivale ne se présente pas de la même façon à tous, devant les grands départs qui caractérisent ce mois d'août, vers des destinations locales ou à l'étranger, la capacité financière demeure l'élément qui fera la différence entre les Algériens. Dans cet ordre d'idées, penser à organiser ces vacances, demeure un privilège réservé aux franges aisées et moyennes de la société. Pour les premiers cela n'implique aucune difficulté particulière, si ce n'est l'embarras du choix de la destination et la capacité à trouver le temps nécessaire à cela. Pour les plus organisés, cette préparation commence des mois à l'avance, et s'appuie en grande partie sur des réservations via Internet. Pour cette catégorie de vacancières, de nouvelles destinations sont depuis peu convoitées, telles que la Thaïlande. Ils recherchent la nouveauté, le dépaysement et l'exaltation. Ils réagissent positivement aux appels publicitaires que les chaînes étrangères ne se lassent pas de bombarder à longueur de journée. Pas moins de 25.000 DA par jour Pour les seconds, plusieurs paramètres sont à respecter pour rester dans les limites que leur impose leur budget. Ils doivent impérativement peser la moindre petite dépense pour pouvoir tenir le coup tout le séjour. A ce sujet, les formules et les possibilités ne manquent pas. Pas moins de 25.000 DA par jour sont à débourser pour un séjour dans une ville côtière, entre le prix de l'hébergement, les repas, les divertissements et les sorties. D'un autre côté, en plus de la difficulté de trouver des chambres libres, la qualité du service et la pauvreté en matière d'animation demeurent le principal handicap, mais cela reste d'ordre secondaire pour nos vacanciers. Ce qui les intéresse, c'est d'offrir quelques jours de plage aux proches et surtout aux enfants. Les autres possibilités semblent plus avantageuses, elles procurent l'opportunité de louer un appartement auprès de particuliers selon une moyenne de 80.000 DA pour un séjour de 15 jours. Une pratique qui connaît un essor certain en Algérie depuis quelques années. Elle vient en substitution au manque cruel en infrastructures hôtelières, dans le sens où elle permet aux estivants d'un budget moyen, de passer un séjour en bord de mer, sans trop d'exigences. D'un autre côté, le camping représente la formule la plus demandée par les Algériens, elle convient aux budgets de la majorité. Les camps de toile et les auberges font ainsi le bonheur des petites bourses, même si la qualité du confort et des services demeure sommaire. A raison de 15.000 DA pour une dizaine de jours, les familles moyennes arrivent à passer un séjour convenable «le camping reste pour nous la formule idéale, dans le sens où cela reste dans nos moyens, et puis avec peu de chose, quand on sait s'amuser on peut passer des vacances inoubliables, connaître d'autres gens, et s'évader», nous confie un père de famille, qui a loué une tente de six places pour 10 jours. Tandis que pour d'autres, le rêve de passer un séjour au bord de l'eau à raison de 100 DA la journée, en camping municipal, s'est tout simplement envolé. Effectivement, cela était encore possible l'année dernière dans la région mostaganemoise, où l'APC fournissait un espace et une tente aux familles de revenu moyen. Or, cette année la décision de suspendre cette formule a été prise sans aucune explication «on ne sait pourquoi, on nous prive de la seule formule qui nous permettait de passer quelques jours de vacances», se révolte un fonctionnaire de la région, et d'ajouter, «c'est incroyable, au lieu de généraliser cette formule qui apporte un soulagement pour beaucoup de familles dans le besoin de se reposer et de faire profiter leurs enfants de la saison estivale, la wilaya a jugé tout bonnement utile de la suspendre, sans d'ailleurs donner aucun motif, nous prenons notre mal en patience, et nous attendons un éventuel retour à cette pratique». Par ailleurs, nombreux sont les Algériens qui ne peuvent pas se permettre des vacances, les familles démunies n'y pensent même pas. Les plus chanceux, verront leurs enfants bénéficier des programmes établis par l'Etat. notamment pour les enfants de familles pauvres du Sud et des Hauts-Plateaux. Chaque année, des milliers de bambins du sud du pays, découvrent le nord, à travers des prises en charge organisées par le ministère de la Solidarité et celui de la Jeunesse et des Sports. Il s'agit de faire découvrir à un maximum d'enfants démunis les plaisirs de la plage. Toutes les wilayas côtières sont pratiquement concernées et participent activement à ces programmes. Sur un autre plan, les colonies de vacances représentent l'alternative ultime, pour les familles démunies, de voir leurs enfants profiter de leurs vacances scolaires et changer d'air, ne serait-ce que l'espace de quelques jours. Cette formule a eu le mérite d'alléger le quotidien difficile de beaucoup de familles, qui habituellement arrivent à peine à subvenir aux besoins premiers de leurs enfants. Malheureusement, tous les enfants n'ont pas la chance de faire partie de ces programmes ni de colonies de vacances et devant l'impuissance de leurs parents et l'oisiveté qui les taraude tous les jours, leur imagination prend le relais. Ils inventent des occupations nouvelles, des activités qui ne coûtent pratiquement rien, mais qui peuvent leur procurer de la joie ou de la convivialité nécessaire pour les sortir d'un marasme fortement agrémenté par des chaleurs insoutenables. A ce titre, on a vu naître un grand nombre de compétitions et de concours en tous genre, entre les quartiers des grandes villes et les communes des wilayas de l'intérieur du pays. A l'image des tournois de football inter-quartiers, où un grand nombre de jeunes se rassemblent autour d'un match, pour oublier leur désarroi. Pour certains, la possibilité de se rendre deux à trois fois par semaine, à la piscine municipale, demeure difficilement envisageable et ne concerne d'ailleurs que les habitants des grandes villes. Sur ce plan, beaucoup d'entre eux essaient de rentabiliser ce temps, puisque, de toute façon, ils n'ont pas les moyens de s'amuser, ils contractent des petits boulots d'été, pour se faire un peu d'argent et passer le temps. Dans la plupart des cas, il s'agit de parking improvisés, de travaux domestiques d'entretien ou de petites réparations. En outre, à l'intérieur du pays et dans les petits villages, la situation est carrément désespérée. Pour échapper aux grosses chaleurs et au vide sidéral qui meuble leur quotidien, les enfants se rabattent sur les barrages, les bâches à eau, les retenues collinaires et le moindre point d'eau, pour se rafraîchir. Ils foncent la tête baissée sans réfléchir et sans aucune surveillance de la part de leurs aînés. Le plus important pour eux, est de passer une journée à s'amuser entre copains. Pour ce faire, ils sont portés parfois à parcourir des distances considérables pour atteindre leurs destinations estivales. Mais cela ne les dérange pas et fait partie de leurs escapades. Seulement, ces endroits sont strictement interdits à la baignade et ne sont destinés qu'à un usage purement professionnel. De ce fait, rien n'a été prévu en matière de sécurité pour les baigneurs et le danger de mort est bien présent et guette la moindre fausse manoeuvre, ou faute d'inattention. Plusieurs cas de noyades dans ces endroits, ont été enregistrés durant les dernières années. Il s'agit essentiellement d'adolescents inconscients du danger d'envasement que représentent ces points d'eau et dans l'insouciance et la joie de passer un bon moment à patauger dans l'eau, ils y laissent leur vie. C'est dire à quel point peuvent être catastrophiques, les conséquences d'insuffisance de moyens et l'absence des autorités dans ce domaine. Il est certain que ces dernières ne peuvent pas prévenir et être présentes partout, mais la pauvreté des programmes et des prises en charge de ces franges de la société, notamment durant la saison estivale, demeurent hautement insuffisants ou non performants. Et ce malgré les efforts déjà consentis et la contribution intense des mouvements associatifs, qui ne cessent de multiplier leurs actions, instaurer un esprit de partage et de communion, qui amènerait les citoyens aisés et les autorités à penser un peu plus aux habitants des régions pauvres du pays, ne serait-ce que l'espace d'un été. Le temps d'une escapade de quelques jours en mer En somme, la culture du tourisme domestique et local est complètement à revoir, selon certains spécialistes. Ils expliquent, qu'il n'y a pas de solutions miracles. Pour permettre à toutes les franges de la société de passer des vacances selon leurs moyens, il est impératif dans un premier temps, de multiplier la construction des établissements touristiques de différents standings. De mettre l'accent sur la formation hôtelière, pour assurer des prestations de services de qualité. Et enfin, d'opter pour un changement profond des mentalités. Et surtout, de planter cette graine de partage et de communion qui était propre aux Algériens durant les années qui ont précédé la décennie noire. Il va sans dire, que la situation économique et politique du pays a hautement favorisé cet état de fait, dans le sens où sans la maîtrise d'une monnaie dangereusement faible, d'un niveau de vie au-dessous de la normale et d'une absence de stratégie et d'organisation pratiquement dans les domaines les plus essentiels, le secteur du tourisme n'a pas pu échapper aux affres du matérialisme, du clientélisme et de la médiocrité assassine des plus forts au détriment des plus faibles. Résultat des courses: aucune chance n'est laissée aux actions sociales et citoyennes de se frayer un chemin pour atteindre le coeur des plus démunis et leur permettre de rêver et de s'éloigner de leur quotidien vide et sans intérêt, ne serait-ce, que le temps d'une escapade de quelques jours en mer.