La guerre au Yémen connaît une dangereuse escalade avec le déploiement au sol de forces des pays du Golfe en vue de la reconquête du Nord et de la capitale Sanaa prise il y a un an par des rebelles Houthis. Le pays, théâtre de combats et de raids aériens quotidiens depuis mars, «se prépare à une nouvelle phase plus meurtrière», avertit April Longley, spécialiste du Yémen à l'International Crisis Group. «Les deux camps se positionnent pour un conflit majeur dans le nord et, en particulier, à Sanaa». Les forces de la coalition anti-rebelles des pays du Golfe ont déjà reconquis depuis la mi-juillet cinq provinces du sud. Elles «semblent désormais déterminées à prendre davantage de territoire, notamment après la mort» de 45 Emiratis, 10 Saoudiens et 5 Bahreïnis dans une attaque au missile vendredi dans la province de Marib, explique cette experte. Cette province pétrolière du centre du Yémen, située à l'est de Sanaa, est devenue un lieu hautement stratégique où se déploient des renforts venus de plusieurs pays du Golfe, selon des médias et des sources militaires yéménites. L'attaque au missile Tochka, revendiquée par les rebelles, a provoqué une onde de choc dans les pays du Golfe. Plusieurs dirigeants ont clamé leur «détermination» à éliminer la «menace» que représenterait encore l'Iran qui cherche à «rééditer l'expérience du Hezbollah libanais au Yémen». L'hécatombe de vendredi a constitué «un tournant» pour la coalition qui prépare «un plus grand déploiement de troupes» pour appuyer des combattants yéménites locaux, équipés et entraînés depuis six mois, relève Andreas Krieg, consultant pour les forces armées du Qatar et professeur au King's College de Londres. Alors que la présence au Yémen d'unités émiraties et saoudiennes n'était un mystère pour personne, le Qatar a confirmé hier l'envoi de 1.000 soldats, fortement équipés et qui s'apprêtent à entrer au Yémen via l'Arabie saoudite. «Ils sont prêts à se battre», a déclaré un responsable de Doha. Des sources militaires yéménites à Marib ont cité le chiffre de 1.000 soldats saoudiens déjà arrivés à Marib avec des blindés et des chars de combat. Selon M. Krieg, il y a «un peu plus de 5.000 soldats de la coalition au total sur le terrain», mais le chiffre exact est difficile à déterminer en raison d'inconnues concernant les «forces spéciales». Selon la chaîne de télévision Al-Jazeera, avec les renforts, la coalition pourraient totaliser 10.000 hommes, sans compter les forces yéménites loyales au président en exil Abd Rabbo Mansour Hadi et des tribus hostiles aux rebelles et qui contrôlent une bonne partie de la province de Marib. Les rebelles houthis, issus de la minorité zaïdite (branche du chiisme), sont partis en juillet 2014 de leur fief de Saada (nord) pour entrer deux mois plus tard dans Sanaa avec la complicité d'unités militaires restées fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh. Ils ont ensuite progressé de manière fulgurante dans le reste du pays, poussant une dizaine de pays emmenés par Riyadh à intervenir militairement en mars, d'abord avec une campagne aérienne. Ces troupes disposent encore d'armements sophistiqués et notamment d'un nombre limité de missiles Scud et Tochka qui constituent une vraie menace pour la coalition, soulignent les experts. Selon M. Krieg, la reconquête du sud a été relativement aisée car les forces locales yéménites ont progressé en «territoire ami», mais «Sanaa et les provinces du nord seront très hostiles». Mme Alley est encore plus alarmiste: «une bataille pour le nord du Yémen promet d'être une affaire longue et sanglante qui aggravera la situation humanitaire déjà désespérée» de millions de civils. Selon elle, «il n'y a pas de solution militaire» au Yémen et «une victoire complète sur les Houthis sera difficile, sinon impossible, dans le nord». Il est donc indispensable, selon elle, d'oeuvrer à un «compromis» qui intègre «ce groupe dans le système politique».