La commission d'enquête mise en place par le ministère des Transports aura à situer les responsabilités de chacun. La Commission centrale de sécurité (CCS) s'est réunie hier, sous l'égide du ministère des Transports suite aux évènements survenus dans la nuit du 13 au 14 du mois courant le long de la côte algérienne et au port d'Alger et a conclu à «la mise en place d' une commission d'enquête technique et administrative en vue de déterminer les circonstances et les causes du drame». A ce propos, le directeur de la marine marchande et non moins président de la CCS, sera chargé d'installer des sous-commissions locales aux fins d'effectuer des investigations dans les autres circonscriptions maritimes. Le ministère des Transports a précisé, dans un communiqué parvenu à notre rédaction, que «les enquêtes seront conduites conformément aux résolutions pertinentes de l'Organisation maritime internationale et leurs conclusions seront rendues publiques». Le communiqué ne mentionne pas les délais fixés pour la remise de ces conclusions et laisse ainsi ouvert le temps que prendront les travaux de recherche et d'investigation. Il faut souligner que cette décision intervient sur la demande insistante du Syndicat national des officiers de la marine marchande (Snommar) qui a saisi, hier matin, le ministre des Transports pour l'ouverture d'une enquête qui devra faire la lumière sur toutes les défaillances et irrégularités liées à ce drame du port d'Alger. Joint par téléphone, son président nous a confié que «des révélations seront faites car les pertes humaines qu'a engendrées cet accident dans l'enceinte portuaire ne sont pas imputables uniquement aux intempéries». «La perte des vies humaines aurait pu être évitée». Pour ce syndicaliste scandalisé, «il est inadmissible et révoltant de constater que des marins puissent périr de nos jours noyés à quelques mètres du port, devant l'impuissance avérée des responsables en charge de leur porter assistance». Il ajouta non sans amertume: «Il est de notre devoir d'exiger que la lumière soit faite sur ce qui s'est passé». Il est inconcevable qu'on en est encore à faire le bilan macabre de nos morts et de nos disparus dans des conditions aussi nébuleuses et aussi douteuses que celles qui sont à l'origine du drame survenu au port d'Alger et qui a coûté la vie aux membres de l'équipage du cargo le Béchar. Naufrage inacceptable De l'avis des experts et des officiers de la marine qui se sont exprimés par voie de presse, le naufrage inopiné du bateau à quelques dizaines de mètres du rivage ne peut inciter qu'à l'ébahissement et à la consternation. Les premiers responsables du port ainsi que ceux de la Compagnie nationale de navigation et tous ceux qui forment la chaîne impliquée dans ces graves dérapages devront, eux aussi, répondre de leur laxisme et de leur incompétence, car il , est clair que dans cette histoire, c'est en premier lieu la mauvaise gestion qui est mise à l'index par les gens de la profession. De toutes les questions qui s'imposent, il y a celle relative à l'état de navigabilité des navires qui se sont retrouvés en difficulté près du port d'Alger. Ces navires encombrants et inopérants étaient en mouillage, en rade depuis des années. Il y a aussi les questions du plan d'urgence censé parer à ce genre d'imprévus et sur les lenteurs des interventions à répondre aux alertes et aux appels de détresse. Les déficits en personnels qualifiés et en moyens adéquats sont également pointés du doigt. Les secouristes avec toute la bonne volonté dont ils ont fait preuve, ne pouvaient à eux seuls sauver le maximum de vies. Ils ne disposaient que de simples cordages, de poulies et de harnais pour effectuer leur boulot. «Notre pays souffre d'un déficit grave quand il s'agit de faire face à ce genre de catastrophe» s'indignait un officier de la marine abasourdi par le spectacle désolant qui s'offrait aux regards sur les lieux de la tragédie. Des marins exaspérés n'hésitaient pas à crier au scandale en parlant de négligence criminelle. Le Béchar a coulé en emportant avec lui des travailleurs, des contractuels pour la plupart et des pères de famille qui pour un salaire de misère se sont retrouvés au fond des abysses. Ils n'avaient même pas de gilets de sauvetage. Cette défaillance est en soi une aberration. Cela a fait que l'on s'est retrouvé avec des disparus qui sont, si l'on se réfère aux expériences passées avalés par les flots ou emportés au large par les eaux houleuses. Imaginons la douleur insoutenable des proches des 13 disparus qui ne pourront pas faire le deuil des leurs ni leur offrir une sépulture décente pour pouvoir se recueillir sur leurs tombes. Les citoyens font encore les frais de la négligence érigée en méthode de gouvernance. Cette situation n'est possible que parce que l'on consacre l'impunité. Ceux qui se rendent coupables de désinvolture et de laisser-aller ne sont nullement inquiétés et ne sont pas comptables de leurs actes devant l'opinion publique. Il n'est qu'à voir le sort réservé aux rapports des commissions d'enquête mises sur pied à chaque fois que l'on est confronté à de pareilles tragédies et qui sont malheureusement très vites jetées aux oubliettes. Pourtant, dès les premières constatations, les premiers éléments de l'enquête démontrent d'une manière tranchante que la main de l'homme n'y est pas étrangère. Eternelle impunité? Les Algériens ont vécu, à l'occasion des fêtes de l'Aïd, une énième tragédie comme si le sort s'acharnait sur eux. Cependant, chaque drame ramène son lot d'interrogations. On ne peut accepter de passer l'éponge sur des crimes commis sur des Algériens dont la vie est devenue insignifiante aux yeux des pouvoirs publics. Ces derniers multiplient les actes irresponsables. Que cesse cette impunité dont est victime le simple citoyen. Qu'on arrête de se gargariser de discours au goût de l'endorphine pour faire taire la conscience collective en présentant la fatalité comme bouc émissaire. C'en est trop et il est temps que chacun assume ses responsabilités. Ces dernières années, l'Algérie a été frappée de plein fouet par une série de catastrophes qui renvoient toujours à la question de l'efficacité des plan Orsec et de la gestion des affaires de la cité. Quand va-t-on prendre en considération les résultats des commissions d'enquête et identifier les responsables mais surtout mettre au pied du mur ceux qui sont directement ou indirectement impliqués dans ces tragédies rémanentes. Endolorie, l'Algérie, qui ne s'est pas encore remise de ses blessures restées vivaces, garde les stigmates des drames récents qui l'ont endeuillée. D'ailleurs, que sont devenus les rapports d'enquête diligentée à la suite des inondations du 10 novembre de Bab El Oued en 2001, ou encore le séisme de Boumerdès du 21 mai 2003? Une commission a été installée sur la demande pressante du président lui-même. Celle qui vient d'être mise sur pied subira-t-elle le même sort que les précédentes ? La question reste entière..