Le communiqué du ministère de l'Intérieur renseigne sur la tension qui a caractérisé la gestion de cette affaire. Les cinq personnes de nationalité allemande portées «disparues» dans le Sud algérien ont été retrouvées, samedi soir, «saines et sauves» à 95 km de la ville de Djanet (wilaya d'Illizi), suite aux «intenses recherches» déployées par les services de sécurité, a indiqué, hier, un communiqué du ministère de l'Intérieur et des Collectivités locales. Heilmelier Ernest, Lehmann Dirk, Garhmer Wolfgang, Kellnier Elfred et Wolf Elisabeth ont été retrouvés «à bord de leurs véhicules dans la région de Erg Edmer, à l'intérieur du Parc national du Tassili», précisent les services du ministère. Le communiqué signale que ces personnes ont été trouvées «en possession de pièces archéologiques protégées qu'elles avaient subtilisées du Parc national du Tassili». Ces ressortissants, entrés en Algérie via le poste frontalier Taleb Larbi (wilaya d'El Oued), le 11 novembre 2004, en provenance de Tunisie, «ont été pris en charge par un guide de l'agence touristique Chena Voyages, située à El Oued, et sont arrivés en compagnie de ce guide à Djanet en date du 14 novembre 2004», relève le communiqué. La même source signale que ce groupe a, en date du 16 novembre, «faussé compagnie» au guide touristique de l'agence en question en charge de leur visite et de leur sécurité, conformément à la réglementation régissant la circulation des touristes dans le désert du Sahara. Les intéressés seront présentés à la justice pour «infraction aux règlements relatifs à la circulation des touristes dans le Sahara et à l'accès au Parc national du Tassili, ainsi que pour vol de pièces archéologiques protégées». Donnés comme disparus par la presse, dès le début de la semaine, ils sont retrouvés aussitôt après et le ministre du Tourisme s'empresse de donner l'information, avant de se rétracter, certainement après protestation des responsables de la sécurité intérieure. Le «temps de silence» observé est souvent mis à profit pour mener des interrogatoires auprès des disparus, car depuis l'épisode des quatorze touristes allemands retenus en otage pendant près de cinq mois par le Groupe salafiste pour la prédication et le combat (Gspc), avant d'être relâchés à Kidal, au nord du Mali, les services de sécurité algériens sont sur le qui-vive: les preneurs d'otages ont réussi à endoctriner leurs victimes et ont pu nouer avec elles des relations privilégiées, confirmées par le chef du Gspc, Amari Saïfi (aujourd'hui incarcéré en Algérie), lors d'un entretien avec un reporter français dans les monts du Tibesti, où il était détenu par un groupe rebelle tchadien, le Mdjt. Les soucis de la gendarmerie locale sont tout autre : un officier de la gendarmerie de Djanet affirme que «souvent, hélas, la présence de touristes occidentaux coïncide avec la disparition d'objets archéologiques de valeur. Ethnologues, anthropologues et amateurs d'objets rares retournent chez eux avec des objets archéologiques faisant partie du patrimoine algérien. Je parle de pillage, mais aussi d'achat illégal et de mauvaise conduite de certains de nos compatriotes censés garder le patrimoine culturel du Grand Sud». Dès lors, on peut comprendre l'extrême imprudence du ministre du Tourisme, Mohamed Seghir Kara, qui s'est empressé de dire que les touristes allemands ont été retrouvés, dans un souci évident de ne pas porter un autre coup à un secteur qui dépérit. Le Sud algérien, grand comme quatre fois la France, reste un immense musée à ciel ouvert, où les ethnologues et les férus de cultures tribales anciennes trouvent leur bonheur. C'est encore un lien où le commerce underground met en vente pratiquement tout : objets archéologiques rares, pierres taillées, fragments de peintures rupestres, animaux rares du désert, outils préhistoriques, armes ciselées dans le bronze, etc. C'est aussi un espace immensément désertique et propice à tous les dangers. Le dernier grand chef du Gspc, MBM, y active depuis douze années déjà avec la palme du plus ancien émir d'un groupe armé encore en activité. Il y a moins d'un mois, il a commis un important vol de camions puis, une semaine après, un guet-apens entre Timimoun et Mguiden, au cours duquel trois gendarmes avaient été tués.