C'est le tête-à-tête le plus attendu de la semaine à New York: Vladimir Poutine et Barack Obama se retrouvaient hier en soirée pour envisager une possible coopération sur l'épineux dossier syrien. Les présidents russe et américain, qui s'exprimeront à quelques minutes d'intervalle à la tribune de l'ONU, ont ensuite rendez-vous en fin d'après-midi (heure américaine) pour leur première rencontre officielle depuis plus de deux ans. Tenu à l'écart par l'Occident en raison du conflit ukrainien, M.Poutine s'est spectaculairement replacé au centre du jeu sur la Syrie, déchirée par la guerre civile depuis quatre ans et demi. Son intervention devant l'Assemblée générale de l'ONU sera la première depuis 2005. Au moment où la Russie augmentait sensiblement sa présence militaire en Syrie, déployant des troupes et des avions dans un des fiefs du régime, il a annoncé qu'il cherchait à mettre en place avec les pays de la région «une plateforme commune» contre les jihadistes ultra-radicaux du groupe Etat islamique (EI). Hier, le vice-ministre russe des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov a annoncé pour octobre une réunion d'un groupe de contact sur la Syrie avec la participation des Etats-Unis, de la Russie, l'Arabie saoudite, l'Iran, la Turquie et l'Egypte. Prise de court par l'offensive diplomatique russe, la Maison-Blanche affirme qu'il serait «irresponsable» de ne pas tenter la carte du dialogue avec le chef du Kremlin, et revendique avec ce dernier une approche au cas par cas. «Nous observons les actes, pas seulement les mots», souligne Ben Rhodes, proche conseiller de M.Obama. «Sur l'Ukraine, les actes ont rarement suivi les mots. Mais sur le dossier nucléaire iranien, la Russie a tenu ses engagements et joué un rôle constructif». L'exercice s'annonce toutefois délicat pour Washington. «Nous sommes juste en train de commencer à essayer de comprendre quelles sont les intentions de la Russie en Syrie et en Irak», a reconnu dimanche un haut responsable du département d'Etat américain. Le secrétaire d'Etat américain John Kerry et son homologue russe Sergueï Lavrov se sont une nouvelle fois retrouvés hier matin dans un grand hôtel new-yorkais. Exploitant les tergiversations occidentales sur le sort du président syrien Bachar al-Assad, Moscou martèle que soutenir ce dernier est le seul moyen de mettre un terme à une guerre qui a déjà fait plus de 240.000 morts. Les Etats-Unis réclament depuis des années le départ du président syrien. Mais ils ont récemment assoupli leur position: il y a une semaine, le secrétaire d'Etat John Kerry concédait que le calendrier de la sortie de M. Assad était négociable. Washington ainsi qu'une soixantaine de pays européens et monarchies du Golfe formaient depuis un an une coalition militaire qui frappe des bastions de l'EI en Syrie et en Irak. Mais toutes ces opérations militaires n'ont pas empêché l'organisation jihadiste de consolider ses positions, ni ruiné son pouvoir d'attraction: près de 30.000 jihadistes étrangers se sont rendus en Syrie et en Irak depuis 2011, selon des responsables du renseignement américain cités par le New York Times. Quelle sera la tonalité de la rencontre entre MM.Obama et Poutine, prévue hier à 17h00 (21h00 GMT)? «Je ne m'attends pas à une hostilité déclarée», répond Josh Earnest, porte-parole du président américain. «Mais il y a des sujets sérieux que les Etats-Unis et la Russie doivent aborder», ajoute-t-il. Pour l'influent sénateur républicain John McCain, cette rencontre est «malencontreuse». «Elle fait le jeu de Poutine en mettant fin à son isolement sur la scène internationale», a-t-il estimé. «Elle légitime le comportement déstabilisateur de Poutine, du démembrement de l'Ukraine à son soutien à Bachar al-Assad en Syrie». Cette journée d'intense activité diplomatique à New York sera aussi marquée par le discours du président iranien Hassan Rohani à la tribune de l'ONU, son premier depuis la conclusion en juillet à Vienne d'un accord sur le programme nucléaire de Téhéran. Ce dernier a évoqué pour la première fois un possible échange de prisonniers avec Washington, qui verrait la libération d'Iraniens détenus aux Etats-Unis contre celle d'Américains incarcérés en Iran, dont un journaliste du Washington Post.