On le croyait perdu pour le football. Après plus de deux ans et d'inactivité, Mourad Meghni s'est pourtant relancé en Algérie, sous les ordres d'Hubert Velud au CS Constantine. Souriant et serein, l'ancien «nouveau Zidane» fait le bilan d'une carrière décousue, entre surmédiatisation intempestive, blessures à répétition et bi-nationalité, dont on propose une partie. Sofoot.com: Il y a encore deux mois, beaucoup de gens pensaient que vous aviez arrêté votre carrière... Meghni: Moi, à la base, c'est vraiment à cause de mes genoux que j'ai arrêté. Cela faisait deux ans que je n'avais pas joué. Pas un match, rien. Après mon passage au Qatar, je suis revenu en France. J'ai recommencé à jouer au foot avec des amis, puis je me suis inscrit au club de futsal de Champs-sur-Marne, qui est dirigé par mon frère Saïd. J'ai fait trois mois et ça m'a plu. Mes genoux tenaient, ça m'a rassuré. En s'engageant dans une aventure au CS Constantine en Algérie, est-ce un retour aux sources? Oui, mon père est algérien. Ma mère est portugaise. Jusqu'à mes dix ans, je venais tout le temps en vacances, dans un petit village à côté d'Alger. Je me suis toujours senti très lié à l'Algérie, mais aussi au Portugal. On allait dans un des deux pays tous les étés. Après 1994, quand l'Algérie a connu beaucoup de problèmes avec le terrorisme, on a commencé à privilégier le Portugal (rires). Vous avez longtemps été considéré comme un prodige. À quel moment avez-vous compris que vous étiez plus doué que la moyenne? Au début, j'étais juste content de bien jouer, comme tous les enfants. Je me suis vraiment rendu compte que ça devenait sérieux en intégrant Clairefontaine. J'avais 13 ans. Quand tu commences à aller en équipe de France, forcément ça devient sérieux. J'ai passé trois ans là-bas, de très belles années, qui m'ont beaucoup fait progresser. L'ambiance était bonne. On est 25 joueurs à vivre ensemble 24h/24, donc forcément des amitiés se créent. Dans ma génération, il y avait Jacques Faty, Damien Perquis, Jean Calvé, Mickaël Fabre. Il y avait aussi Ludovic Sylvestre qui a joué au Barça, il était super doué. On avait une très belle génération, mais malheureusement, tout le monde n'est pas sorti professionnel. Peu de joueurs ont vraiment percé. Vous étiez le leader de cette génération. Vous étiez le premier d'une longue liste de «nouveaux Zidane», bientôt rejoint par Meriem, Gourcuff ou Ben Arfa... Je pense que ça a toujours été là. Avant Zidane, les médias ont passé leur temps à chercher le nouveau Platini. Mais moi, c'est vrai que ça m'a marqué. Et ça m'a vite fatigué, cette histoire. Comment on résiste à une telle pression à seulement seize ans? Je suis resté moi-même. J'essayais de ne pas trop faire attention. À la base, je suis quelqu'un de plutôt réservé. Dans ma famille, on est comme ça, des gens très simples avec les pieds sur terre. Au bout d'un moment, je ne me prenais plus la tête. Qu'on m'appelle Zizou, qu'on me compare, je n'y pouvais rien. Je me suis dit que l'étiquette était là et que je ne pouvais plus l'enlever. Tant pis! Il y a eu ce fameux documentaire Cham-pions du monde, diffusé sur France 5... Pour moi, c'est un mauvais souvenir. C'est un reportage qui m'a vraiment fait du mal. Expliquez-nous... France Télévisions a voulu suivre les 17 joueurs champions du monde. Pendant toute une année, ils nous filmaient en train de vivre avec nos familles. Au final, ils ont décidé de ne garder au montage que trois d'entre nous: Jacques Faty, Mickaël Fabre et moi. À ce moment, j'étais en pleine renégociation de contrat avec Bologne, et Tigana me voulait à Fulham. Cela les a visiblement intéressés. En plus, j'étais le seul à jouer avec les pros à l'époque. Faty, lui, s'occupait de son mariage, il était en couple avec une Libanaise de confession musulmane. Sa mère est chrétienne, pour les médias ça faisait une belle histoire de famille. Fabre, lui, avait des problèmes avec la Fiorentina. Ils se sont dits que c'était un bon trio pour faire de l'audience. Qu'est-ce qui vous a blessé, alors? Ils m'ont fait passer pour un mec qui ne s'intéressait qu'à l'argent. C'est vraiment à des années-lumière de ce que je suis réellement. Mais encore, si j'étais le seul concerné, ça irait. Seulement, ils ont aussi fait passer ma famille pour des gens intéressés. La journaliste (Véronique Houth, ndlr) qui faisait le reportage n'a reculé devant rien. Ma mère lui parlait très souvent, et forcément, elle s'ouvrait, elle ne se méfiait pas. À l'époque, elle travaillait comme femme de ménage dans un hôtel de luxe à Paris, le Georges V, et elle voyait souvent les stars. À un moment, elle parle à la dame, hors caméra: «Moi, c'est mon rêve, si mon fils un jour gagne beaucoup d'argent, j'arrête de travailler.» La journaliste, elle lui dit quoi? Elle dit à ma mère de venir avec elle faire un tour en ville. En mode: «Je voudrais que vous veniez avec nous pour faire les magasins, vous avez la même corpulence que ma mère et je voudrais lui acheter un manteau de fourrure avant de rentrer en France.» Ma mère lui dit non. À l'époque, elle ne pouvait pas trop marcher, elle était fatiguée. L'autre insiste, elle lui dit qu'elle va l'amener en voiture. Tout ça pendant que je suis à l'entraînement. Donc finalement, ma mère y va pour rendre service. Forcément, quand elle met le manteau, elle se regarde dans le miroir, et à ce moment, bien sûr, ils l'ont filmée. Au final, quand tu vois le documentaire, il présente ça comme si elle allait faire les magasins en mon absence... In Sofoot.com.