Magani revient avec un curieux roman. Après quatre romans, Mohamed Magani nous revient avec un nouveau texte une guerre se meurt aux éditions Casbah, ce roman se veut l'escale majeure d'un parcours professionnel singulier. La maison que fait construire Zoubir, alias Abdeljalil, en périphérie urbaine, n'est pas encore sortie de terre que sa boîte aux lettres, précocement installée, commence à recevoir de curieux messages. Surtout des offres de rachat du terrain. Puis une femme apparaît, Myriama, chargée de mystères, suivie d'une autre, Laila, et l'écheveau se dévide, rappelant la mémoire à une triste remontée du cours tragique qui a déposé l'Algérie, exsangue, sur les rivages du 3ème millénaire. Ce nouveau roman entre quelque peu dans la catégorie des écrits qu'Albert Flocon définit de cette manière «j'ai toujours aimé les chantiers, les ouvrages en voie de construction; j'ai sans cesse bâti plutôt des châteaux en Espagne car ceux - ci aussi hauts soient- ils n'écrasent personne... Toujours, le chantier m'émeut plus que le monument achevé parce que les hommes travaillent ensemble, parce que les échafaudages sont aériens et enfin parce que l'objet n'est jamais achevé. L'inachèvement étant la caractéristique même de toute vie». Mohamed Magani retrace l'itinéraire de quelqu'un d'embarrassé mais aussi passionné de retrouver une nouvelle ère pour une patrie longtemps prise par une barbarie intégriste des plus dangereuses. L'auteur est allé à la recherche d'un printemps réprimé au fond d'une causerie à la fois teigneuse et sauvage. Il active son imagination comme pour dire basta à la monstruosité et tournant la page, à jamais «l'écheveau se dévide, rappelant la mémoire à une triste remontée du cours tragique qui a déposé l'Algérie, exsangue, sur les rivages du 3ème millénaire». Effectivement, c'est dit plus explicitement. C'est en un mot la rêverie d'un Algérien qui s'inspire du noir pour susciter la lueur d'espoir qu'il fallait et opter définitivement pour une époque où commencera un nouvel ordre des choses. Et voici donc venue l'ère de prospérité, dira Magani une guerre se meurt incarne bel et bien la contestation, les problèmes et les difficultés vécus au cours d'une décennie de mauvais sort mais aussi et surtout une espérance longtemps perdue. Ainsi, le regard porté par Magani sur la société en évolution demeure critique. Beaucoup d'interrogations, sans réponses immédiates, traversant l'esprit de l'auteur, il décida de fuir la réalité et se refuge dans des «idées» chimériques. Or, la réalité l'a vite rattrapé, il est l'élément d'un puzzle où les conditions sociales se déchirent; affectant les vicissitudes quotidiennes, l'auteur trouve toutes les pièces de l'échiquier et les met en jeu. Huit minutes de figement, faussement distrait par la mappemonde de cassettes dans la lucarne servant de vitrine, je sombrai dans l'envoûtement de Ya Ben Sidi qui alignait une poussière de métaphores : la femme, l'étrangère, le pays, la ville natale («les quatre piliers de la charpente humaine»), la demeure première, la sagesse, la grandeur du monde, la solitude, le loser, la patience, la soumission au destin, la pureté, la langue, la tradition, la fierté de l'appartenance, la communauté de destin et ses corrélations naturelles, l'amour du voisin (et la voisine), du prochain: l'ensemble porté par un refrain sublime, par dessus tout le refrain, qui chante la centralité de la femme que l'homme ne peut conjuguer avec le verbe avoir. «Finalement, une guerre se meurt se résume à la vie que nous avons traversée les années séculaires dans l'attente d'un ultime lieu de nouvelle vie ; ainsi cette guerre comparée à cette femme, «socle de la famille algérienne», s'était contentée de surveiller sa construction à distance et, pour sa part, recherchait un trou de mort, son histoire personnelle faisait partie de ses murs et fondations. Combien de maisons se bâtissaient sur des chantiers et fosses communes? Des centaines? Des milliers? Nous serions incapables de le savoir. Elle se força à sourire lorsque j'ajoutai que tous ces morts auraient applaudi à l'idée de recevoir du courrier de notre monde.