La déclaration du père du correspondant de Djelfa, empreinte d'émotion, renseigne assez sur le rôle de Bouteflika dans cette libération entrant dans le cadre de la «réconciliation nationale». Hafnaoui Amer Ghoul, désormais, est libre. Il ne purgera pas les 11 longs mois qui devaient être sa peine pour avoir osé jouer correctement son rôle de correspondant de presse et de défenseur des droits de l'homme dans une wilaya, semble-t-il, peu portée sur les tendances réconciliatrices et apaisantes développées par le président dès son discours d'investiture dans lequel il avait dit en substance que la fin de l'élection devait effacer les rancoeurs de la campagne électorale, mettant au passage son souhait d'être le président de tous les Algériens. La décision de mettre un terme à une «captivité» qui dure depuis de bien nombreux mois à la suite de plusieurs plaintes itératives déposées contre lui par les représentants de l'autorité locale, dont l'ancien premier magistrat de la wilaya de Djelfa, nommé à la tête de la wilaya d'Alger à la suite du dernier mouvement opéré par le président Bouteflika. Justement, le fait que ce dernier se soit trouvé à Djelfa au moment-même où Hafnaoui Amer Ghoul était libéré est loin d'être une coïncidence selon de nombreux observateurs qui pensent que la politique réconciliatrice globale du chef de l'Etat passe nécessairement par la grâce à accorder aux journalistes, défenseurs des droits de l'homme et «détenus d'opinion» encore poursuivis ou privés de certains de leurs droits pour différentes affaires. Hafnaoui Ghoul, correspondant de presse et représentant de la très crédible Laddh que préside Me Ali-Yahia Abdennour, avait eu la malchance de donner plusieurs coups de pied dans la fourmilière de cette wilaya en étant, notamment, le premier à révéler le fameux scandale des nourrissons décédés dans une clinique. Les parents de ce «trublion» qui, sans doute, ne s'attendaient pas à une pareille levée de boucliers, avaient lancé plusieurs appels à la mansuétude du premier magistrat du pays afin de grâcier leur enfant au nom de la réconciliation dans laquelle les «erreurs» passées, mais aussi les «règlements de comptes» devraient être définitivement proscrits. Bouteflika ne pouvait demeurer définitivement sourd à ce genre d'appels pressants et quasi imparables tout en continuant à défendre sa «réconciliation» sans crainte de se voir «attaqué» par ses adversaires classiques sur ce chapitre précis. C'est ce que précisent des sources au fait des «intentions présidentielles». Le ministre de la Communication, lors de la rencontre qu'il avait accordée aux responsables et professionnels de la presse, avait, lui aussi, abondé dans le sens d'un plus grand rapprochement entre les pouvoirs publics, à commencer par la présidence de la République et les médias en quête de l'intérêt général. La réconciliation nationale, soutenue par un plan portant amnistie générale devant être décrétée par voie référendaire, ne saurait donc être limitative. Les observateurs se posent donc la question si Bouteflika ne va pas prononcer des grâces en faveur des deux patrons de presse qui croupissent, eux aussi, en prison depuis de nombreux mois. Il s'agit de Mohamed Benchicou, directeur du Matin et d'Ahmed Benaoum, responsable d'un groupe de presse à Oran. Les familles de ces deux personnes avaient elles aussi adressé de nombreuses «suppliques» au président Bouteflika ce qui laisse prévoir, en ces temps d'apaisement, des mesures de clémence en leur direction, mais aussi M.Fekhar, secrétaire national du FFS, toujours en détention préventive, en même temps que des dizaines, peut-être des centaines de «manifestants» à travers diverses régions du pays. Si Benchicou a été condamné à deux ans de prison, confirmés par la cour d'appel, il faut dire qu'il en a purgé une bonne partie, ce qui rend sa libération plus que plausible. Benaoum, lui, avait fini par obtenir gain de cause avant que de nouveaux dossiers ne lui soient sortis au dernier moment, provoquant de nouveau sa mise en détention préventive en attendant un nouveau jugement qui tarde à se faire jour. Il convient de dire que les deux hommes souffrent de maladies relativement graves. Une incarcération prolongée peut à la longue, sinon mettre leur vie en danger, du moins leur laisser des séquelles absolument irrémédiables. Or, ne sommes-nous pas à l'ère des pansements des blessures et de l'oubli des cicatrices sans qu'il soit nécessaire d'en générer d'autres?